Mort à la santé (tract et témoignage)

Le vendredi 15 février, un détenu de 19 ans est mort à la maison d’arrêt de la santé. Alors qu’il demandait des soins, les matons l’ont laisser agoniser toute la nuit seul dans sa cellule. Encore une personne tuée par la taule, c’est au moins le dixième depuis le début de l’année. Des témoignages sortis de l’intérieur mettent en évidence la responsabilité de l’Administration pénitentiaire.
« On était en promenade tout simplement. Il a eu un malaise. Au moment du malaise, il avait les deux mains dans les poches. C’est à dire qu’il est tombé directement à la renverse. D’une intensité tellement forte que tout le monde s’est retourné au moment du choc entre son crâne et le sol. De là il y a une partie de la promenade qui s’est mise à taper à la porte pour appeler les secours. Il y a une autre partie de la promenade qui s’est occupée de lui et l’ont mis en position latérale de sécurité. Le temps que les secours arrivent il s’est passé un petit quart d’heure. Pendant ce quart d’heure je vais vous dire ce qu’il s’est passé. Il y a le chef de la division qui est venu avec le directeur donc ils ont dit aux détenus de le porter jusqu’à la porte. Certains détenus ont dit au directeur « Mais attendez monsieur le directeur vous voyez bien qu’il est très mal le jeune homme. Il est gris, il est vraiment gris, on peut pas le déplacer, on attend les secours dans la promenade. » Donc le directeur il dit « non non il y a personne qui rentre dans la promenade ramassez moi ça ». Déjà on était choqué, mais on obéit pour le bien du jeune homme. On le transporte à 3, et on l’amène jusqu’à devant la porte de la promenade. Entre la promenade et le bâtiment, il y a un couloir. Donc on le dépose dans le couloir. De là on pensait qu’il allait être pris en charge. Mais en fait il est resté dans le couloir. Il y a d’autres gens qui venaient du parloir et qui ont vu la scène. Le médecin est venu et l’a ausculté sur place. Donc il est jamais parti à l’infirmerie. C’est vraiment super grave, car je voudrais préciser qu’il avait un hématome de la taille d’un œuf. Donc le médecin, il voit si il est inconscient. Il était inconscient… Quelques minutes plus tard il reprend un peu ses esprits. Donc le médecin, qui s’appelle docteur Isidore, mais nous à la santé on l’appelle docteur Strauss en référence à la série H, car ce médecin c’est vraiment un boucher. Il lui donne 2 dolipranes, et lui dit« écoute, monte en cellule, mange bien, tu as juste fait une petite perte de connaissance.

De là il retrouve un peu ces esprits, mais il s’est vomi dessus. Donc il remonte seul, sans accompagnement en cellule, arrivé en cellule, il demande à un surveillant tout gentiment : « Est ce que je peux aller prendre une douche ? » ce qui est refusé. Là on est vers 18-19H, il commence à se plaindre de maux de tête. Tous les soirs vers 20h il y a la première ronde. La ronde passe s’aperçoit qu’il n’est pas bien, ouvre la porte, mais sans plus « tu dois avoir une migraine, attend demain matin. », lui dit « non je vais vraiment mal ». Face à ça d’autres détenus qui sont au courant de ce qui s’est passé en promenade ils disent « écoutez ce jeune homme il ne fait pas de cinéma. Il est vraiment malade. Il est tombé, si il vomit c’est vraiment grave donc ça vous coûte rien d’appeler le 18. Au moins vous vous déchargez de ce qui se passe et puis pour son bien ça coûte rien du tout.
Donc à partir de là les surveillants ils refusent d’appeler, le chef des surveillants il dit « non j’appelle rien c’est juste une migraine ».
Deuxième ronde ils voient que c’est un peu plus sérieux. Qu’est ce qu’ils font ? Il est 22h – 23H du soir, entre temps le jeune il n’arrêtait pas de se plaindre. Il criait le pauvre, de ma cellule je l’entendais, « j’en peux plus, ma tête elle va exploser, j’ai mal ! » Donc en fait il agonisait au pied de sa porte, ils ne le prennaient toujours pas au sérieux.
Et donc si je me rappelle bien il y a une troisième ronde, ils lui ont dit « on va repasser », mais en fait ils ne sont jamais repassés. Donc il agonisait dans sa cellule jusqu’à 3h30 ; de ma cellule je l’entendais pleurer.
Normalement il y a une ronde vers 5h, ce jour là bizarrement il n’y a pas eu de ronde.
Ce qui se passe après c’est que le premier problème c’est que le médecin ne l’a pas ausculté donc il n’y a pas eu de suivi. Le deuxième chose les surveillants ce soir là ils ne voulaient pas se prendre la tête ce soir ils s’amusaient, on les entendait rire dans le couloir entre eux.
Et pour finir à 7h du matin, comme tous les matins, on nous ouvre la porte pour nous annoncer si c’était le premier tour ou le deuxième tour. En fait lui il s’est retrouvé allongé devant sa porte, il n’était pas dans son lit. Et normalement à 5h du matin dès qu’ils passent, ils allument la lumière ils regardent juste si on est sur notre lit ou pas. Donc ce matin là à 5h ils ne sont pas passé donc ils n’ont pas pu donner l’alerte.
Donc à 7h du matin, il est allongé devant la porte. La surveillante ouvre la porte, appelle l’intervention pour que d’autres surveillants viennent, et au lieu de rester près de lui et de s’occuper de lui. Elle déclenche l’alarme et madame continue à faire sa ronde comme si de rien n’était.
[…]On est seul en cellule, car on est en division, à la une.
Nous on en a parlé un peu avec tout le monde et on est vraiment choqués. Depuis samedi le soir, ils passent vraiment et sont vraiment à cheval sur la surveillance.

Nous ce qu’on a fait, on a bloqué une heure symbolique pour dire « ça doit pas arriver ».

Au lieu de remonter à 5h en promenade on est remonter vers 6-6h30. Mais bon le mal est fait, donc il y a pas grand chose à faire d’intelligent donc on est remonté.
Il y a une enquête qui est en cours, les policiers sont venus et ils ont interrogé plusieurs personnes ici, des témoins. Ils ont interrogés ceux qui étaient près de lui à la promenade avec les caméras. »
Je voudrais revenir sur ce qui s’est passé à la promenade, quand le chef et le directeur ils ont dit « ramassez moi ça ! », mot pour mot « ramassez moi ça ! » Vous voyez un peu la connotation de ce qu’on est pour eux. « ramassez moi ça ! ».

Ça nous a tous choqué même à l’heure d’aujourd’hui tout le monde en parle. « ramassez moi ça ! », donc on n’est même plus des êtres humains… on n’est même pas des numéros d’écrous on n’est rien quoi. 
Il était en détention provisoire, mais maintenant en France la présomption d’innocence elle existe pas du tout. On n’est pas là pour juger, mais nous en tant que détenus nous ce qu’on a ressenti, c’est que c’était quelqu’un de respectueux, qui prend la tête à personne, qui rigole, un grand sportif, donc qu’il meurt dans cette circonstance c’est vraiment désastreux, c’est grave.
Après il faut imaginer la famille… quand il meurt en prison comme un chien ! Car c’est comme un chien. C’est grave.

Nous ce qui nous a choqué c’est que les majors, ils ont dit qu’il s’était battu en promenade, pour camoufler l’affaire. Pour faire croire que c’était pas leur faute. Mais il est vraiment tombé seul.  On essaye de se mobiliser pour que ça arrive pas aux autres. On essaye de faire bouger les choses à notre niveau. »

Face aux journaux qui ne font que justifier la prison en revenant sur le profil du détenu.
Face aux mensonges de l’administration pénitentiaire qui prétend une bagarre et occulte sa responsabilité.
Face à la justice qui a ouvert une instruction, dont nous savons par avance qu’il n’y a rien à en attendre.
Il est nécessaire que des témoignages comme celui-ci circulent. *
Mobilisons-nous pour briser le silence et l’isolement ! Luttons contre l’enfermement.

* Par le biais de l’envolée par exemple :
43 rue de stalingrad 93100 Montreuil ou envoleeradio@yahoo.fr

vous pouvez aussi nous écrire à contrelenfermement@riseup.net

 

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