Témoignage du 15 avril 2012 d’une personne détenue en maison d’arrêt (G.E.P.)

Si cet échange, me concernant, repose sur une démarche de témoignage et par conséquent de mise à jour d’une vérité palpable, il en va aussi d’un désir d’engagement. Dès lors, peu importent les aléas subséquents car de tels actes vous aident à tenir debout dans l’adversité. Je ne m’interroge plus à ce titre.

Entre nous, il conviendra tout au plus de préserver l’authenticité du contact. D’autres et moi-même ont été si souvent abusés par la quête d’exotisme de certains que la désillusion n’en fut que plus âpre dès lors qu’ils furent repus. Nombreux se prétendent alliés de la cause, voire pourfendeurs de l’hydre répressive, mais ne sont à vrai dire que de piètres adhérents dont la nature de l’engagement en saurait indéfiniment mystifier. […]

A vrai dire, je n’ai aucune référence à vous proposer, tout au plus une expérience à vous relater, de par mes prises de positions, une fidélité aux principes et un respect aux valeurs particulières. Avec le temps aidant, j’ai tamisé les contacts, privilégiant la quintessence aux ersatz, cela fait peu de monde à l’appel… « L’être et le paraître » m’insupporte autant que l’approximation et la nature frelatée de certains positionnements actuels. Les atermoiements des organismes concernés (vous les connaissez, ils ont pignon sur rue et entrée au Ministère) donnent dans le carcéralement correct, excentrés des réalités prégnantes et par conséquent inscrits, dans une virtualité d’action, me font sourire autant que me révulse la tergiversation d’avocats dans leur prise de position timorée face à l’appareil répressif. Ce ne sont que les indignes défenseurs de la cause des réprouvés. […]

Prendre part à votre projet, c’est rester en prise avec l’extérieur, c’est porter son écho à la critique en mots du pouvoir coercitif et de son plus sinistre corollaire, la prison. Ne rien dire, c’est valider ses exactions, c’est tout accepter au seul fait d’être reclus, c’est donc renoncer à soi-même. Forcément, on paye le prix de ses choix mais peu importe car asséner des mots tels des coups est un formidable exutoire dans cet univers d’interdits où penser différemment est une démarche coupable.

Là où une majorité résignée s’accommode du quotidien imposé, d’autres nourrissent un sentiment irréductible de liberté intérieure et ne se départissent nullement du libre-arbitre nécessaire à l’œil critique.

La réhabilitation est un mot creux dans cet espace castrateur, ils ont tronqué le sens de la peine pour en faire une mort lente mâtinée de vengeance.

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