Alençon : la prison modèle au bord de l’émeute

La prison d'Alençon.
La prison d’Alençon. © Jean-François Monier / AFP

Des cellules individuelles avec TV de 12 m2, des salles d’activité et de sport avec appareils de muscu : la prison centrale d’Alençon (Orne) n’a rien à voir avec la centrale de Clairvaux (Marne) installée depuis 1804 dans une abbaye moyenâgeuse. Côté sécurité, des murs de 12 mètres, des miradors, 3 quartiers séparés de 68 cellules, de la vidéosurveillance et 177 surveillants pour, au départ, 68 détenus.

Comment cette prison de 67 millions d’euros ouverte en avril 2013 est-elle devenue une poudrière ?

Cet établissement ultra-moderne et ultra-sécurisé doit accueillir, pour six mois à un an, des détenus condamnés à de longues peines qui n’ont pas respecté les règles. « Un séjour de rupture pour les cas les plus difficiles », selon l’administration pénitentiaire. Parmi eux, des condamnés au passé chargé : selon Ouest FranceYoussouf Fofana, du « gang des barbares » ; Dominique Battini, qui a fait évader Antonio Ferrara ; Christophe Khider, spécialiste de l’évasion. (… ) des personnes particulièrement surveillés et malmenées, dans le viseur de l’administration considédéré comme « ultra-violents »  (… )

« En une minute, je serais mort »

Ainsi Marius Boromée, Guadeloupéen de 33 ans, affiche 14 condamnations, dont 11 pour violences. Incarcéré depuis le 10 février 2010, il a déjà fréquenté 83 prisons et est libérable à l’horizon 2024. Incarcéré depuis 17 ans, Rachid Boubala, 37 ans, est libérable en 2031 : 28 condamnations à son casier, dont 25 pour outrages, menaces de mort, violences volontaires. Il est passé dans une quarantaine de prisons.

Tous deux ont le 30 décembre pris en otage un jeune surveillant stagiaire de 25 ans : selon les caméras de vidéosurveillance, Rachid Boubala glisse un couteau de cantine sous sa gorge, Marius Boromée se fait ouvrir une salle de classe. La prise d’otage a duré quatre heures. « Ils m’ont dit que s’ils devaient me tuer, ils savaient où piquer. Ça saignerait fortement. Au bout de 30 secondes, je tomberais dans les pommes et, en une minute, je serais mort », a témoigné le surveillant devant le tribunal correctionnel d’Alençon, qui a condamné les deux agresseurs à 8 années supplémentaires de prison. Mais les deux détenus ont obtenu ce qu’ils demandaient : leur transfert dans une autre prison plus souple, où les portes des cellules ne restent pas fermées comme à Alençon.

« Ils n’ont rien à perdre »

L’établissement a été conçu pour éviter au maximum les contacts détenu-surveillant, ce qui rend ceux-ci extrêmement tendus. « Nous avons affaire à des perturbateurs, rétifs à l’autorité. Ils sont dans la provocation permanente car ils n’ont rien à perdre », assurent les syndicats FO, CGT, Ufap-Unsa. Le 5 janvier, Rivelino Da Conceicao Ferreira, un Brésilien de 42 ans, a été condamné à 3 ans de prison pour avoir agressé au poinçon un surveillant. Le détenu purge une peine de 18 ans de réclusion pour un meurtre en Guyane, en 2008. Et doit être jugé pour un second homicide, celui de son codétenu, à la prison de Rémire-Montjoly (Guyane) en juin 2011. S’y ajoutent des armes artisanales retrouvées sur lui.

Portables, drogue et armes sont, selon les syndicats, monnaie courante dans cet établissement ultra-sécurisé. « C’est pas des enfants de choeur, là-bas, je suis obligé de me promener armé », a déclaré devant le tribunal l’un des preneurs d’otage du 30 décembre. Basées à Rennes, les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS, le GIGN de la pénitentiaire) multiplient les allers-retours entre Alençon et la Bretagne. À peine avaient-elles quitté Alençon que le sous-directeur était agressé vendredi matin. Conçu au début des années 2000, le projet pénitentiaire d’Alençon paraît aujourd’hui totalement inadapté. Mais peut-il être repensé ?

 

source : http://www.lepoint.fr/societe/alencon-la-prison-modele-au-bord-de-l-emeute-11-01-2014-1779209_23.php
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