Un rapport accablant sur l’accès à la lecture et à l’information en prison

Le ministère de la Culture a fait de 2014 l’année des bibliothèques, et a tenu à souligner la nécessité d’un accès simplifié et complet aux livres et à la lecture dans les établissements pénitentiaires. Il serait temps, au vu du dernier rapport d’activités 2013 du contrôleur général des prisons, publié il y a quelques jours. L’accès à la lecture et à l’information, mais aussi la confidentialité des documents privés, y sont quasiment inexistants, explique le document.

 


An Alcatraz cell ready for occupation

Cellule d’Alcatraz. Le règlement intérieur stipule que nourriture, vêtements, abri et soins médicaux sont garantis, le reste n’étant que privilège. La situation est la même aujourd’hui.

(Danny Bradury, CC BY 2.0)

On pense la prison serait le lieu idéal pour les livres, étant donné le taux d’alphabétisation extrêmement faible entre les murs : seuls 10 % des détenus ont suivi un cursus universitaire. Pour autant, l’entrée de la littérature ou de la documentation dans les établissements pénitentiaires est toujours aussi limitée, souligne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, dans son rapport annuel.

Des lieux de détention sans considération pour la réinsertion

Les centres de rétention administrative, pour rappel, sont destinés aux étrangers en situation irrégulière sur le territoire, détenus dans l’attente de leur expulsion. Le Contrôleur général assure que la majorité d’entre eux « suinte l’ennui et l’angoisse ». Une télévision, placée dans une salle commune, constitue souvent le seul divertissement disponible.

Le rapport évoque l’expérimentation réussie d’un centre, avec une console de jeux vidéo mise à disposition, mais assure que « d’autres possibilités, notamment en matière de culture (films…), de sport, de lecture, d’expressions de toute nature, devraient être exploitées, éventuellement en partenariat avec d’autres personnes publiques ou privées », et invite à une réflexion nationale. Par ailleurs, les dispositions pourraient « englober la possibilité d’accéder, sous surveillance, à Internet ou, à tout le moins, à une messagerie électronique », droit d’accès à l’information toujours refusé aux détenus.

 

Malheureusement, les situations pour des séjours de plus longue durée sont singulièrement proches : le Contrôleur recommande l’accès à Internet, aux informations juridiques concernant les droits des détenus et les conditions de détention, bref, tous les outils qui permettent à la fois l’enseignement et le respect des droits fondamentaux des détenus.

 

L’architecture même des lieux de détention ne favorise pas la lecture : « Si la cellule est orientée au Nord et la fenêtre obstruée par des caillebotis et des barreaux, la lumière du jour, filtrée, n’entre pas suffisamment pour permettre la lecture surtout si la fenêtre est placée en hauteur, ce qui est souvent le cas dans les établissements anciens », détaille le rapport. Dans ces conditions, la cellule, plongée dans la pénombre ou sous l’éclairage d’une « ampoule de puissance insuffisante », n’invite pas vraiment à la lecture. Sans parler de l’insonorisation inexistante, ou du chauffage insuffisant…

 

Parmi ses recommandations, le rapport considère que tous les établissements « devraient aménager des espaces pour des activités communes, notamment le travail et la formation, l’enseignement et les activités culturelles ». Comprendre que beaucoup ne disposent pas de tels espaces, alors même qu’une « réinsertion » réussie semble supposer un minimum d’activités collectives…

 

Les quartiers d’isolement (QI) sont eux aussi concernés par ces déserts d’accès à la culture : « Ainsi, dans le QI d’un quartier maison centrale, la bibliothèque se résume à une armoire contenant quelques revues et livres installée dans la buanderie. De même, les quartiers d’isolement ne disposent jamais de locaux réservés au travail, à la formation ou à l’enseignement et rarement de salle commune », souligne le rapport. Bien souvent, aucun point de distribution de livres n’est présent. « Dès lors, en pratique, très souvent la mise à l’isolement emporte privation de toute activité et vie sociale », ne peut que constater le Contrôleur.

 

Enfermé sans vie privée

 

Dès les premières pages du rapport, le Contrôleur rappelle un avis publié en 2013 sur « La possession de documents personnels et l’accès aux documents communicables des personnes détenues ». Il décrit la sauvegarde de documents privés dans les cellules comme un « exploit » : chaque courrier est examiné, et tout objet personnel conservé dans la cellule peut être confisqué, sans garantie réelle de retour.

 

 

Cellule suroccupée d’une maison d’arrêt, photo extraite du rapport d’activités 2013

 

 

Lettres des avocats ou de la famille du détenu sont ainsi, bien souvent, hors de sa portée : le Contrôleur propose la mise en place d’une armoire fermée pour ses papiers dans chaque cellule, pour redoubler la conservation assurée par le greffe. Tout document doit en effet y être déposé, et la possibilité de réaliser des copies semble donc faire partie des droits fondamentaux des détenus. Par ailleurs, le rapport s’étonne de l’impossibilité d’accès aux documents administratifs, ou aux textes qui régissent les conditions de détention.

La direction de l’administration pénitentiaire n’organise pas de communication des textes officiels autrement que sous la forme de notes de service de la direction (mal) affichées dans les coursives. Il s’en suit, par exemple, que les personnes détenues ne bénéficient pas du droit ouvert à tout citoyen de contester devant le juge la légalité des textes qui lui sont applicables : personne, là encore, n’a prévu que ce droit ne s’appliquait pas aux prisonniers.

Par ailleurs, les détenus sont bien souvent privés d’objets à caractères religieux, souvent parce que les autorités pénitentiaires sont peu informées des différentes pratiques en la matière. Les livres font partie des outils nécessaires à la pratique spirituelle, qui doivent se concilier « avec les nécessités du service public, notamment en termes de sécurité, de santé et de respect des droits d’autrui ».

 

Deux procédures d’urgence

 

Le Contrôleur général ouvre son rapport avec des recommandations d’urgence, qui s’appliquent à deux établissements, des centres éducatifs fermés, celui de Pionsat, et celui d’Hendaye. Ces procédures sont directement adressées aux ministères concernés (éducation nationale, affaires sociales et santé, justice) suite à « une violation grave des droits fondamentaux ». D’autant plus grave qu’elle concerne ici des mineurs.

 

Dans un des deux établissements, l’équipe éducative, bien que complète, « était dépourvue de tout projet constitué », rendant les activités le plus souvent improvisées. Dans l’autre, de la viande périmée depuis plusieurs mois était conservée dans les congélateurs du centre, peut-être susceptible d’être consommée…

 

En somme, nourrir le corps ou l’esprit, une activité de haut vol dans les prisons françaises.

 source :http://www.actualitte.com/societe/un-rapport-accablant-sur-l-acces-a-la-lecture-et-a-l-information-en-prison-49692.htm
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