Je souhaiterais que vous puissiez relayer l’épisode joint, lequel traduit parfaitement le climat ambiant. Ce nouveau maillon d’exaction concerne un ami qui ne réclamait que l’application et le respect de ses droits, ce qui était déjà de trop. Après plusieurs accrochages, ils sont arrivés à l’extrême. Il a écopé de trente jours de mitard qu’il achèvera sous peu avec, en toute probabilité en placement au quartier d’isolement dans l’attente d’un transfert vers une destination inconnue. Je n’ai plus aucune nouvelle de lui. Notre avocat commun l’a rencontré voici deux semaines, il portait encore des stigmates au visage. Il est prévisible qu’il écope d’une nouvelle sanction judiciaire puisque l’administration a porté plainte.
Ainsi que je te l’avais déjà exprimé, de tels faits ne sont pas des phénomènes isolés, mais avec une telle intensité, on ne l’avait pas encore constaté. Je pense à sa compagne et à ses enfants. Cela c’est produit quelques jours avant son parloir UVF sachant qu’il est originaire des Yvelines et qu’il était peu visité. Par un concours de circonstances, j’avais brièvement rencontré les siens lors de ma première permission en janvier dernier alors qu’ils patientaient en façade l’appel du parloir. Je m’étais permis de les alerter sur ce qu’il subissait déjà… C’était prémonitoire. A vrai dire, tout relève d’un jeu de provocations auquel il ne faut absolument pas céder. Il faut savoir que tout déplacement dans les parties communes peut prêter à ce type de situation dont les maîtres-mots sont l’avilissement, l’incitation à la faute et l’atteinte à la personne.
Tout est aléatoire en ce lieu. Se projeter dans une perspective d’avenir est totalement surfait tant que l’on ne sait de quoi le quotidien sera fait. L’esprit est parfois si sclérosé que l’horizon de la liberté s’obture. Je ne suis pourtant pas résigné et n’abdiquerai jamais mais je suis toutefois conscient de la force de la partie adverse qui peut me phagocyter en tout instant. […]
Il est entendu que la condition carcérale a besoin de soutien et c’est en ce sens que votre entreprise est noble. J’entends par là qu’il existe tant d’intervenants timorés, axés sur des luttes d’arrière-garde et mystifiant d’autant une partie des réprouvés par un discours tronqué, que l’on n’évolue guère. Pour moi-même, je t’en ai fait part, j’ai renoncé à tout contact avec ces mastodontes stériles de la défense carcérale, ne vivant que sur l’acquis et à partir d’une réputation obsolète, inscrits dans le carcéralement correct et trop heureux de ne pas s’en écarter. […]
Je ne souhaite pas réitérer certaines erreurs passées qui vous seraient préjudiciables car tu t’imagines que je ne suis pas néophyte en ce sens. Nous avions à l’époque utilisé d’autres artifices que la toile mais l’impact avait dépassé nos espérances, ce qui m’avait valu un placement diligent en quartier d’isolement. […]
En attendant, à défaut de vous rencontrer, je vous fait part de certaines vérités dissimulées et que nul n’évoque. Le mutisme corrélé à la lâcheté me sidère, c’est néanmoins une attitude dominante de cet univers.
Témoignage sur l’événement du 30 avril 2012 à la maison d’arrêt d’Annoeullin
Le 30 avril, vers 17h30, Malin MENDY, cuisinait dans l’office (local commun réservé à cet effet) lorsque l’agent d’étage est venu interrompre les activités, dans le créneau horaire imparti.
Malin a demandé quelques minutes supplémentaires afin de terminer son plat, ce qui lui fut refusé. Il a alors clairement fait savoir qu’il ne supportait plus l’absence de tolérance et les pressions associées. L’agent a alors déclenché son alarme et les renforts sont intervenus en nombre. Le ton est monté alors qu’il firent évacuer les deux autres détenus présents.
Un tumulte général s’en est suivi. Ses ustensiles et sa nourriture furent projetés au sol, certains se brisant par là même.
Se jetant sur lui, il a été maîtrisé face contre terre, la tête oppressée contre certains débris. Menotté, il a été illico orienté vers le quartier disciplinaire. Passant dans le chemin d’accès situé sous la fenêtre de la cellule que j’occupe, entouré d’une quinzaine d’agents et autres gradés, j’ai pu constater qu’il avait le visage ensanglanté. Il était toutefois paisible, s’écriant que tout allait bien à ceux qui l’encourageaient de leur fenêtre.
Parvenu à la porte de jonction, ils lui ont une nouvelle fois pressé le visage contre le grillage de séparation, sans aucune nécessité, alors qu’il demandait que cela cesse. Il était 17h45, quinze minutes venaient de s’écouler dans un pénitentiaire du pays des droits de l’homme.
Pendant presque deux semaines, le local est resté tel quel, un champ de bataille jonché de débris et de tâches de sang, on a les victoires que l’on peut…
Le lendemain, le 1er surveillant Frédéric Blondel (le tortionnaire de service) est venu, accompagné de ses agents, retirer les effets de la cellule afin de les placer au vestiaire, ainsi que l’exige la procédure, le temps du séjour au mitard. C’est là qu’ils se sont ingéniés à briser maints objets dont ses CD audio et son poste de radio, versant par là même de l’eau et différents produits alimentaires liquides dans ses vêtements sachant que le tout moisirait rapidement. Il faut préciser que Blondel avait participé à l’intervention de la veille à l’encontre de Malin Mendy et que dès lors l’attitude décrite ne saurait être neutre, s’inscrivant dans un esprit de vindicte compte tenu du ressentiment constant qu’il nourrissait à l’égard de ce détenu. […]
Malin Mendy a été finalement placé en quartier d’isolement à l’issu de la sanction de trente jours pour être transféré quelques jours plus tard vers une destination inconnue. Il devra prochainement comparaître au Tribunal de Grande Instance de Lille, accusé de violences à agents administratifs. Il n’est que l’un des maillons d’une longue liste de détenus ayant à subir le même sort, celui que certains sadiques administratifs tirent à la courte paille selon les circonstances et leurs pulsions du moment.
Note de l’équipe du blog: Le procès a eu lieu le 20 juin 2012. Un compte-rendu de l’audience sera bientôt publié sur le blog. Un bref article est déjà apparu ici : http://www.nordeclair.fr/Actualite/Justice/2012/06/21/agression-en-prison.shtml