« J’étais assis, heureusement ».

Nous relayons la réaction d’un prisonnier suite à la diffusion du JT de Canal Plus en date du 27 juin 2012. Ce court message d’un « emmuré », envoyé depuis une maison d’arrêt, fait suite à la diffusion d’une séquence d’1 minute environ concernant la décision prise au printemps dernier de bloquer les prix sur 200 produits de « cantine » désignés comme « prioritaires » par l’Etat (qui affirme s’être appuyé, pour les sélectionner, sur la liste des produits les plus fréquemment commandés en détention).

On y entend (une fois de plus) la parole de deux représentants de syndicats pénitentiaires dénonçant cette décision comme une sorte de “cadeau” fait aux prisonniers – drôle de blague, vu les tarifs pratiqués. Nulle part l’exception et l’exploitation que constitue le travail en détention n’apparaissent, pas plus que ce qui se sait, même sous la forme du lieu commun, sur la « qualité » des repas en prison. Même ce simple fait est visiblement jugé inutile à faire connaître : l’entreprise privée fournissant un établissement pénitentiaire sur tout ou partie des denrées cantinables est en situation de monopole. Et elle s’en met, c’est une évidence, sauvagement plein les poches, grâce à ce partenariat public-privé.

Une fois encore, ce sont les représentants médiatiques des syndicats pénitentiaires qui passent au crible de leurs discours (rendus plus “soignés” pour la télévision mais beaucoup plus explicites dans les communiqués ou revues internes, où ils n’hésitent pas à parler de « supermarchés pour super-voyous ») tout fait ou geste carcéral. Ce sont eux qui commentent et distribuent responsabilités, accusations et autofélicitations en cas de révolte, qui distribuent critiques et approbation de toute loi, mesure, parole qui touche de près ou de loin à la prison. Une fois encore, leur discours relayé par les médias occulte totalement les paroles alternatives, et plus encore celle des premiers concernés. Quant aux statistiques fournies pour effrayer le spectateur, elles sont fournies par l’UNSA, syndicat pénitentiaire majoritaire.

Voilà donc la réaction d’un détenu à cette « blague » médiatique :

« Le 27 juin 2012,

Par hasard je tombe à l’instant sur une intervention télévisée (JT de Canal+, 18h57, mercredi 27 juin 2012) de M. Christophe Marques, secrétaire général FO Pénitentiaire. Ce dernier se plaint que les produits vendus aux détenus en prison, achetés sur le budget de l’Etat, seraient vendus à perte. Pour illustrer ses propos, un paquet de pâtes alimentaires serait acheté 1,54€ et revendu 0,30€ aux détenus.
Je m’interroge sur le rôle de ce syndicat professionnel.Le syndicat des transports d’Ile-de-France serait-il en charge d’établir le juste prix du ticket de métro?
Le syndicat national unifié des impôts aurait-il pour rôle de dénoncer l’inégalité des concitoyens devant les niches fiscales? Tel syndicat d’enseignants serait-il chargé de discuter le montant de l’allocation de rentrée scolaire?
En tant que citoyen, chacun doit être libre d’en discuter. Mais en se présentant comme secrétaire général d’un syndicat professionnel, je me trompe sans doute, mais il me semble que ce monsieur n’est pas dans son rôle.
Il a été précisé par ailleurs que les détenus, compte tenu de ces prix dérisoirement bas, fournissent des paniers garnis à leur famille (sic). J’étais assis, heureusement.
Je souhaite de bonnes vacances à ceux d’entre vous qui profiteraient de l’été pour s’évader un peu. »

L’équipe du blog et le GEP restent à la disposition de qui voudra la contacter pour publier les réactions des premier.è.s concerné.e.s par les questions carcérales et, plus largement, pénales.

contrelenfermement@riseup.net

geprison@riseup.net

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