Lettre de Grégory Nosibor, alors détenu à la maison d’arrêt d’Annoeullin, du 28 mai 2012, (G.E.P.)

Je m’amène vers toi, dans le cadre d’un second récit proprement lié à ma vie carcérale que je voudrais faire partager aux lecteurs de votre blog.

J’aimerais parler de cette merde que le système carcéral vous inflige pour ne pas être auprès des vôtres. Cela fait près de cinq années que je suis écroué dans divers endroits du nord de la France car les administrations fonctionnent par ce qu’on appelle communément des directions interrégionales et celle dont je fais partie pour le moment est la direction interrégionale de Lille. Ma famille habite sur la région parisienne, il m’est quasiment impossible d’accéder à la direction interrégionale de Paris. Sauf dans le cas où vous auriez un ami ou proche travaillant au ministère de la justice pour pousser votre dossier ce qui n’est vraisemblablement pas mon cas. Faut le reconnaitre !

Alors j’ai décidé de me faire exclure d’établissement en établissement quoi qu’il m’en coute. N’ayant pas vraiment grand-chose à perdre sauf quelques remises de peine en moins, je me fais transférer par mesure d’ordre et de sécurité sur l’ensemble de la direction interrégionale de Lille. Une fois que toutes les taules de cette direction interrégionale ne voudront plus de moi, ils trouveront une autre direction interrégionale pour m’y placer.

Je vomis ce système qui ne veut pas voir la souffrance des gens qu’elle condamne. Etant un réfractaire du système pénal tant que carcéral, je fais preuve d’impavidité à l’égard de ces gens et de ce système même si cette révolte bouillonne au fond de mon être prêt à exploser. Je vomis l’ascendant qu’un homme peut avoir sur un autre. Et c’est pour cela que des gens comme moi n’en ressortent que plus amères. Je me suis demandé à maintes reprises pourquoi tant de stratagème. Enfin, je pense en connaître les raisons, maintenant : toucher la personne au plus profond d’elle-même et, une fois le mental atteint, vous n’êtes plus que l’ombre de vous-même.

Alors ma devise reste celle-ci : gardez une part de révolte et de haine en vous ne peut que vous tenir éveillé de tout cela. Mais sachez canaliser tout ceci car sinon cela vous emmènera loin, voire vous coûtera la prison à vie.

Pour tout vous dire, je suis incarcéré à la prison d’Annœullin, dans le Ch’Nord, près de Lens, comme les ch’tis diraient, depuis le 10 janvier 2012. Cette taule de merde fêtera ses un an d’ouverture dans quelques semaines. L’impéritie tant que la gabegie du personnel ne peuvent que vous donner une idée toute faite de l’endroit où vous vous trouvez.

Que je vous explique en grande ligne. Je suis arrivé ici par le biais d’un transfert disciplinaire (mesure d’ordre et de sécurité, ne jouons pas sur les mots). Donc mon but, dès mon arrivée dans cet établissement, était de redemander un rapprochement familial sur la direction interrégionale de Paris, toujours, qui n’a pas abouti au final, prétextant que je n’avais pas de justificatif de domicile pour me foutre dans le trou du cul du Ch’Nord. Allez y comprendre quelque chose ! Mais que pour y repartir il me fallait des justificatifs de domicile. C’est à peine croyable. Voilà le système hypocrite, typiquement français, que je réfute. L’administration connaît les endroits respectifs de chacun d’entre nous, mais quand cela arrange bien, on fait celui ou celle qui ne veut pas voir. Alors maintenant, pour organiser mon énième transfert, je viens tout simplement de me familiariser avec les murs du quartier disciplinaire (mitard) pour ne plus en sortir jusqu’à mon transfert.

La direction déteste que les détenus agissent de la sorte car ceci les met dans de mauvaises positions et ils n’ont pas d’autres choix après un certain temps de vous transférer. Certes, je ne choisirai pas mon lieu de destination mais je ne resterai pas non plus dans un trou à rats comme celui-ci. Mentalement parlant, je ne m’y retrouve pas du tout. A trop rester dans un endroit, vous devenez institutionnalisé car le système carcérale vous déteint dessus et moi, à cela, je dis non. Je veux ressortir grandi de mes erreurs tant que de mes échecs. Et non pas comme un détritus façonné à l’image du système carcéral. Je ne demande pas grand-chose mais même ce petit peu a l’air dérangeant pour certains.

Le 30 avril 2012, j’ai eu un entretien avec le directeur adjoint, Jean-François Nourrisson, suite à une commission de discipline qui s’est réunie pour moi, pour le fait d’avoir possédé une arme de fabrication artisanale dans la cellule que j’occupais. Le directeur adjoint, faux-cul comme on ne peut pas l’être, me sanctionne de 10 jours de sursis de cellule disciplinaire. Moi, n’étant pas à la sanction prête de 10 jours de sursis, je lui fais part de mon envie de quitter cet établissement, quitte à aller au trou illico presto et cela n’a pas changé la donne d’être éloigné une fois de plus de ma famille pour la énième fois encore. Alors, le faux cul qu’il est me fait savoir que je n’ai pas à m’inquiéter, qu’il n’avait qu’une parole, à compté du 4 mai prochain il serait à même de me tenir informé de la situation de mon transfert initialement prévu qu’il ne manquera pas d’appuyer. Le 4 mai passe, je ne vois rien venir, il n’a même pas le courage de me tenir informé par courrier de la position du transfert. Et les jours passent et défilent jusqu’au 22 mai dernier où j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de mettre cette petite merde en face de ses responsabilités. Alors, je décide de me faire accompagner bien sagement au quartier disciplinaire car je refuse de rentrer dans la cellule qui m’a été affectée au bâtiment. Alors, l’agent d’étage appelle ses collègues en renfort tant que son supérieur hiérarchique pour prendre acte de l’incident. Je suis menotté et mené au quartier disciplinaire le mardi 22 mai dernier à 10h25. Le lendemain, c’est-à-dire le 23 mai, la commission se réunit pour statuer sur mon cas et je me retrouve confronter au directeur adjoint qui me sert tout un tas de balivernes à dormir debout. En voyant que je campe sur mes positions de mon refus de réintégrer le bâtiment, il me sanctionne de 14 jours de quartier disciplinaire. Je ne suis ni à mon premier transfert et ni à mon premier blocage donc il fera comme il veut mais mon transfert sera validé car je ne lui laisse pas le choix à ce gratte papier.

J’emmerde ces gens qui brassent du vent et qui se croient au dessus de tout le monde en pensant même que tu es dupe alors qu’il n’est que le dupe de lui-même. Imaginez que ça fait cinq ans que je n’ai pas de relations avec l’extérieur, même mon dernier patin je me demande à quel endroit il a eu lieu alors à chaque fois qu’on me transfère, je revis un peu plus.

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