De la Déportation au Bannissement

De la déportation comme peine complémentaire des Français d’outre-mer

Il est une idée communément répandue que la déportation n’existe plus en droit français ; que la déportation aurait été abolie par une ordonnance du 4 juin 1960 du général de Gaulle.

Pour autant, si l’action de déporter est d’obliger quelqu’un à quitter son territoire, soit pour l’obliger à s’installer ailleurs, soit pour le détenir hors de son territoire, elle existe toujours en droit Français.

C’est ce que subissent ces hommes et ces femmes d’outre-mer, condamné(e)s dans ces départements et territoires mais envoyé(e)s en métropole pour exécuter leur peine.

C’est le cas de :
– Joseph, haitien, qui vivait en Guadeloupe, condamné par le TGI de Basse Terre, condamnation assortie qui plus est d’une interdiction de résidence en Guadeloupe alors qu’il y a toute sa famille ;
– Fabrice, guadeloupéen, condamné par le TGI de Basse Terre, condamnation assortie d’une interdiction de résidence en Guadeloupe, alors qu’il y a toute sa famille ;
– Germain, martiniquais, condamné par le TGI de Fort de France, condamnation assortie d’une interdiction de résidence en Martinique, alors qu’il y a toute sa famille.

Ces hommes, qui plus est, démunis de ressources, de milieux pauvres, sont donc privés de leurs droits effectifs de maintenir des liens familiaux.

Et si à un drame de séparation, il n’en fallait pas un autre, ils sont envoyés dans les établissements loin de la région parisienne, obligeant alors, si leurs proches désirent les voir à ajouter au coût du voyage par avion, celui du train ou de la voiture pour se rendre dans nos prisons les plus reculées.

Honte à cette France qui prétend que la déportation n’existe plus, qu’elle a été abolie.

Ces hommes ont des droits.

Mais un droit n’a de sens que s’il peut être effectif.

Les privant d’une possibilité d’exécuter leur peine dans leur territoire de résidence, soit par ce que la justice en a décidé ainsi, soit parce que « faute de moyens » pour l’Etat -qui prône la réinsertion des détenus, qui inscrit le maintien des liens familiaux dans les textes de la république comme fondement à la réinsertion- qui ne peut construire d’établissements pour peine adéquat dans ces lieux, la France viole l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’hommes et les libertés fondamentales.

Mais qui se préoccupe de ces hommes et de ces femmes ?

Classe misérable, classe dangereuse, dicte la morale populaire, qui se cache derrière un semblant de droit pour croire qu’elle n’inflige pas des peines dont le niveau de souffrance endurée dépasse celui seul de l’incarcération.

« Le ministre est sensible à votre interpellation. », peut-on lire dans un courrier du cabinet du garde des sceaux.

Sensible…

Fabrice, Joseph, et Germain, n’en n’ont que faire de cette sensibilité.

Ils veulent pouvoir être proches de leur famille, pouvoir être présents avec eux lorsqu’ils traversent un deuil.

Car c’est le cas de Fabrice. Qui vient de perdre son père. Qui est à Clairvaux, au QD depuis 55 jours, qui ne veut pas rejoindre le QI où il sera encore plus oublié de tous.

Tout le monde n’en a que foutre d’un miséreux qui dans sa souffrance, lié à l’incarcération et aux milliers de kilomètres qui le sépare de ses proches, a des réactions de plus en plus brutales face à une administration qui l’a relégué à Clairvaux.

« Vous n’êtes pas prioritaires pour demander un transfert sur la région parisienne », région qui serait plus accessible déjà pour ses proches.

Il sera de nouveau jugé pour sa réaction, certes violente, lorsqu’il a appris le décès de son père.

Le parquet se fera un plaisir de demander une peine lourde, de 2 ou 3 ans de plus. Rien ne sera pris en compte : sa situation de déporté, sa situation de miséreux à qui on ne donne pas de travail (pas prioritaire une fois de plus : il n’a pas d’enfants !), sa situation de souffrance car comment le juge de l’application des peines lui accorderait une permission de sortie sous escorte pour aller à l’enterrement de son père alors qu’il est interdit de séjour en Guadeloupe.

Kafkaïen.

L’œuvre de justice n’est pas œuvre de droit.

Ban Public dénonce la situation de ces hommes et ces femmes déportées.

Ban Public dénonce l’hypocrisie de l’abolition de la peine de mort dont on fête pour la énième fois l’anniversaire car cette abolition n’a pas supprimé les peines afflictives de déportation et de Bannissement.

Ban Public exige :
– L’abolition des peines complémentaires d’interdiction de résidence pour les résident(e)s d’outre-mer ;
– Que le droit de maintenir des liens familiaux normaux soit effectif pour ces hommes et ces femmes déporté(e)s, comme ce droit existe pour les personnes condamné(e)s sur le territoire métropolitain.

Ban Public condamne la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour ces hommes et ces femmes.

Sans une prise de conscience collective de ces situations dramatiques, la prison, une fois de plus, créé une peine complémentaire, digne d’un traitement inhumain et dégradant, renforçant le risque de récidive. A ce territoire que l’on nomme République, une et indivisible, ou sur chaque fronton d’établissement pour peine il est écrit Liberté Egalité Fraternité, nous te disons République de France, d’appliquer aussi la solidarité. Celle qui se veut Fraternelle, Humaine et sensible aux plus démunis de nos concitoyen(ne)s. Alors tu sortiras grandie de ces oublis aux Droits Humains que tu bafoues sans cesse chaque jour…

Ban Public le 19 septembre 2012

Contact presse Benoît David : 06 63 08 17 39

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