Le combat d’un détenu pour faire appliquer la loi/ contre les fouilles

Les fouilles à nu, interdites depuis 2009, sont contournées par l’administration pénitentiaire. L’Etat a été condamné plusieurs fois.

Pour avoir refusé, plusieurs fois, de se mettre à nu à la sortie d’un parloir pour une fouille dite « intégrale », Nezif Eski, 34 ans, détenu à la prison de Fresnes depuis mi-janvier puis à Fleury-Mérogis depuis le 6 mai, a écopé de sanctions disciplinaires répétées. Ce Français militant d’un groupe d’extrême gauche turc, classé terroriste par l’Union européenne, dont le dossier est en appel, a protesté par une grève de la faim de 58 jours et a décidé d’agir en justice. « Il veut voir son droit à ne pas être fouillé à nu systématiquement par les personnels de l’administration pénitentiaire à l’issue de toutes ses visites respectées. Et considère que rien ne justifie cette mesure de sécurité attentatoire à sa dignité », souligne son avocate, Me Virginie Bianchi.
Le 4 mai, la justice lui a donné raison : Nezif Eski a obtenu du tribunal administratif de Melun, également saisi en référé par l’Observatoire international des prisons (OIP), une condamnation de l’Etat. Le jugement estime que ces fouilles portent « une atteinte illégale à (sa) liberté fondamentale ». Il rappelle les exigences de l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, qui soumet cette mesure de sécurité à de strictes conditions . Et enjoint le directeur de Fresnes de suspendre la note par laquelle il maintient « un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques » à l’issue des parloirs.

Le bras de fer entre l’administration pénitentiaire (AP) et ce détenu n’est pas le premier. Depuis août 2011, via une « campagne contentieuse » contre les fouilles à nu, l’OIP a obtenu des juges la condamnation d’une douzaine d’établissements pénitentiaires en France. D’Oermingen (Bas-Rhin) à Lyon-Corbas (Rhône), la problématique est la même, explique Nicolas Ferrand, responsable juridique de l’association : « L’AP contourne la loi de 2009 en édictant des notes par lesquelles le directeur autorise ces fouilles pour trois mois et qui se renouvellent automatiquement. Leur succession revient donc à maintenir cette pratique humiliante en permanence », déplore-t-il, soulignant en outre « que l’AP ne respecte pas les décisions de justice ».

Ce sont ces notes, que l’AP justifie par les saisies d’objets illégaux, que les juges condamnent. Le tribunal administratif de Melun, saisi trois fois depuis juillet 2012, a trois fois enjoint le directeur de Fresnes de les suspendre… Fresnes, où la dernière condamnation suscite la colère du syndicat FO-Pénitentiaire : il menace d’une manifestation et réclame l’abrogation de l’article 57.

« La mise en œuvre des dispositions relatives aux fouilles représente un sujet de crispation majeur avec les personnels de surveillance », soulignait, en 2012, un rapport sénatorial sur la loi de 2009, excluant cependant tout « retour en arrière » du législateur. Après l’évasion de Redoine Faïd il y a un mois, le sénateur Jean-René Lecerf avait redéfendu « l’exigence que les fouilles intégrales soient justifiées ». Et plaidé, comme les syndicats, pour l’installation de scanners corporels dans les prisons. Un dispositif coûteux, dont seule la maison centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) est dotée. En attendant que « la réflexion en cours », engagée par l’AP, aboutisse, Nezif Eski et l’OIP « récidivent » : un nouveau référé contre les fouilles à nu pratiquées à Fleury-Mérogis a été déposé hier devant le tribunal administratif de Versailles.

 
Source : Le parisien.fr en date du 17.05.2013
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