Un détenu incarcéré dans un centre pénitentiaire raconte son quotidien à «20 Minutes»…
Il est en ce moment incarcéré dans une prison française que nous ne nommerons pas. Mehdi* nous contacte régulièrement. Parfois plusieurs fois dans le mois. Puis rien pendant quelques semaines, généralement parce qu’il a été changé de cellule, de bloc, voire d’établissement. Sans doute ressent-il le besoin de parler, de tisser des liens avec «l’extérieur» et de mettre des mots sur sa détention.
Globalement, il dit la vivre «plutôt bien» et se présente comme un détenu qui «n’a de problème avec personne». Seulement, ce qu’il observe dans l’établissement pénitentiaire, les relations entre les détenus, l’administration, les avocats –quand «ils acceptent de venir», ne le laisse pas indifférent.
«Ils n’ont pas choisi ce métier mal payé»
«Quand on se retrouve derrière les barreaux, on n’a plus aucune revendication à faire», lâche-t-il. Ses doléances peuvent parfois paraître futiles. Un pot de Nutella qui arrive deux semaines après une commande, des sorties à la bibliothèques ou en cour de promenade trop irrégulières, une douche qui est annulée, le chauffage pas assez élevé en plein hiver… Des «petits» tracas d’une vie de détenu qui peuvent parfois dégénérer.
«Les surveillants le ressentent, raconte-t-il. Déjà qu’ils ne viennent pas travailler le sourire aux lèvres! On voit bien qu’ils ne sont pas heureux et qu’ils n’ont pas choisi ce métier mal payé.» Mis au courant de la situation à la prison de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), il n’est pas étonné que ce système ait pu durer plusieurs années. «Certains surveillants, pas tous, font très très bien leur boulot, ironise-t-il. Il font exprès de nous mettre des bâtons dans les roues. Quand on voit le directeur passer dans les couloirs, on lui en touche un mot ou deux. Mais tout le personnel est au garde à vous. Une fois qu’il est parti, une nouvelle histoire commence.»
«Sentiment d’injustice»
Parmi les pratiques des surveillants jugées les plus «vicieuses», celle «d’appuyer sur le bouton d’alarme» pour signaler un «incident». «Le surveillant simule un problème. C’est souvent trois fois rien. Vous vous retrouvez alors pendant 48 heures au quartier disciplinaire [QD]», témoigne-t-il. Il a déjà, au cours de sa détention, été confronté à cette mésaventure. «J’ai alors demandé à ce qu’un avocat me défende. Mais ça revient très cher. J’en ai eu pour 1.500 euros», assure-t-il.
Ce «sentiment d’injustice», reconnaît-il, a des conséquences «sur le moral des détenus, des surveillants et de toute la prison». «On prend sur nous, on encaisse. Mais ça fait l’effet d’une bombe à retardement pour plusieurs d’entre nous.» Vient alors celui qui craquera et pour qui l’intervention et le placement en QD sera nécessaire. «Au final, disons que ces provocations à répétition engrangent des problématiques de sécurité.»
Plus rarement, les détenus peuvent se concerter et entrer en résistance, en guise de solidarité à un autre détenu, en refusant par exemple de réintégrer leurs cellules après une promenade. «Il y a une forme de solidarité qui s’installe et le mot passe de cellule en cellule», confie-t-il. Un conflit souvent passé sous silence et qui se règle par la force avec l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris), le GIGN des prisons.
*Pour des raisons évidentes de confidentialité, le prénom a été changé…