Paris, le lundi 4 juin 2012
« D’une certaine façon, je suis en ce moment de vie à la croisée des chemins… Dans quelques jours, j’aurai 57 ans et je me sais encore assez d’énergie et de volonté pour entreprendre quelque chose de positif dans la mesure où une perspective à très court terme se profilerait. Par contre, si la situation et les incertitudes devaient perdurer, il sera plus logique et plus sain d’y mettre un terme de soi-même. Rassurez-vous, …, il ne s’agit pas là d’un discours de désespéré, loin de là. Je suis simplement fatigué. »
(Maison centrale de Poissy, le 7 mars 2011)
*
La fatigue, le désespoir et la révolte de Monsieur Philippe El Shennawy sont parfaitement compréhensibles, eu égard à la situation qu’il vit depuis maintenant plusieurs décennies. A cinquante-huit ans, il a vécu « emmuré vivant » de manière presque continue depuis l’an 1975, date de sa première incarcération pour vol à main armée. Plus de trente-sept années plus tard, un arrêt rendu le vendredi 18 mai 2012 par la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles statuant en matière de confusion de peines est venu briser toute perspective réaliste d’élargissement.
Désormais « libérable » en 2032, une date de sortie absurde pour un homme qui sera alors âgé de soixante dix-huit ans, et dont aucune expertise ne vient à ce jour souligner le caractère dangereux, Monsieur Philippe El Shennawy a décidé, voici 10 jours, de lâcher prise et de rompre avec une existence entièrement vécue dans l’insoutenable attente de décisions administratives et judiciaires.
Monsieur Philippe El Shennawy a décidé de se laisser mourir de faim.
Il a cessé de s’alimenter au cours de la journée du mercredi 23 mai 2012.
Plus de trente ans après l’abolition proclamée de la peine de mort, la justice française rend de toute évidence encore des décisions qui tuent. Si elle ne condamne plus à la guillotine et l’échafaud, la longueur infinie et l’accumulation des peines prononcées suppriment à petit feu et avec une redoutable efficacité les femmes et les hommes sur lesquelles elles s’abattent. Souvent, comme Monsieur Philippe El Shennawy, ces condamnés à mort d’un genre nouveau n’ont pas la moindre goutte de sang sur les mains.
S’il existe des décisions que l’on peut comprendre, notamment en ce qu’elles n’ôtent pas toute perspective effective d’avenir, mais laissent encore ouverte la possibilité de se construire un futur, celles qui ont successivement été prises à l’encontre de Monsieur El Shennawy ne comptent pas parmi elles.
Parce que Monsieur Philippe El Shennawy qui est attendu, dehors, par sa famille, sa femme, ses enfants et petits-enfants, a déjà commencé à se laisser mourir d’inanition, seul derrière les barreaux de la maison centrale de Poissy, il serait insupportable que ce déni d’humanité demeure dans l’ombre.
Une conférence de presse est organisée par Maître Virginie Bianchi, avocat à la Cour :
Le jeudi 7 juin, à 11 heures, à la Maison du Barreau (salle Jean Martel) 2, rue de Harlay 75001 Paris
Contact pour tout renseignement :
Virginie BIANCHI, 242 bis, boulevard Saint Germain, 75 007 Paris.
Tél. : 01. 42.22.46.42 – Fax. 01.42.22.63.79, Vest. A 412.