Brûler les prisons de l’apartheid-Natacha Filippi

Le 27 avril 1994 se déroulent les premières élections démocratiques
multiraciales d’Afrique du Sud. Cette année restera gravée dans la
mémoire nationale comme le symbole de la chute définitive du régime
d’apartheid et de la naissance d’une nouvelle société, la « rainbow
nation ».
Pour les prisonniers confinés aux marges de la société, l’année
1994 est une période de lutte intense, où la frustration et la rage de ne
pas pouvoir participer à l’élaboration de cette nouvelle société provoquent
mutineries et violences incendiaires. Qu’elles soient le dernier
sursaut des prisons de l’apartheid ou la première insurrection contre
les institutions pénitentiaires démocratiques, ces émeutes, de par leur
ampleur et leur intensité, constituent un moment décisif dans l’histoire
nationale et internationale des révoltes carcérales.
Les premiers troubles surviennent dès 1991 dans la prison de Pollsmoor,
réputée dans tout le pays pour ses conditions de vie extrêmes.
Le mouvement s’étend ensuite aux autres établissements pénitentiaires.
Jusqu’en 1994, ces derniers seront secoués de façon sporadique
par des grèves de la faim, des refus collectifs de remonter de promenade
et des altercations toujours plus brutales entre prisonniers et
matons.
Les prisonniers revendiquent le droit de vote ainsi qu’une amnistie
générale, fondée sur la reconnaissance de leur résistance contre le
régime d’apartheid. Ils se rassemblent autour des trois gangs alliés les
plus puissants au sein des prisons sud-africaines qui organisent ainsi
des mutineries aux dimensions inédites.
Mais la violence que les prisonniers peuvent diriger vers les matons
n’est pas suffisante pour provoquer une réaction de l’opinion publique.
La mise à feu des cellules est alors utilisée comme moyen d’auto immolation.
Les prisonniers tentent ainsi de révéler le caractère mortifère de la
logique carcérale qui nie leur droit à exister en tant que citoyens et
sujets agissants.
L’auteure
Doctorante à l’université d’Oxford, Natacha Filippi travaille depuis
plusieurs années sur la question carcérale en Afrique du Sud.

Parution : décembre 2011
Prix : 8 €
edition@syllepse.net
www.syllepse.net
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