Monsieur, Madame, j’en appelle à votre sens humain, car le récit que je m’apprête à vous confier reste pour le moins l’amertume d’une existence vécue dans le milieu carcéral.
Vous vouliez connaître les conditions de détention, les aménagements de peine autant que les relations avec les avocats. J’aborderai chacun de ces thèmes individuellement, bien qu’ils se rejoignent tous, en réalité, pour former le moule de la médiocrité, au nom de la république.
Les avocats, vous savez, ne sont pas différents de la plupart des gens qui se mêlent au système sans pour autant le combattre. Bien sont rares les avocats qui donnent de leur personne dans un procès, bien que certains se donnent l’image de la condescendance même devant la classe moyenne de la population. Ceci est une façon de redorer leur blason aux yeux de tous ? Ou est-ce une façon de se faire passer pour des personnes qui appartiennent à une élite de l’aristocratie ? Cela revient à être totalement pathétiques, car lors des procès tenus, les trois quarts des avocats s’écrasent devant le président de la cour ; à ce moment-là, il serait utile de leur demander où est cette arrogance, cette bienveillance dédaigneuse qui obscurcit leur horizon. Vous savez, j’ai appris une chose, après toutes ces années. Prenez un avocat en tant que conseil pour vous assister, mais ne le laissez pas prendre les commandes à votre place dans la bataille juridique, car les avocats ne font pas ce métier par conviction mais plutôt par nécessité et rétribution. Si vous n’avez pas l’âme d’un révolutionnaire, vous ne serez jamais un bon parti. Derrière le masque d’un révolutionnaire, il y a le masque d’un grand metteur en scène.
La garde à vue est une mesure toute particulière. C’est celle qui détermine si vous ferez ou non l’objet d’une mise en examen. Cependant, c’est vrai que certains peuvent être amenés à tomber sur des méthodes d’intimidation, des brutalités, voire des leurres de la part des agents de la force publique, pour que vous vous mettiez à table. Là commence une vraie course contre la montre, car vous devez faire en fonction de ce qu’ils vous mettent sous le nez pour ne pas vous commettre plus que vous ne l’êtes déjà. Je pourrais dire que la justice a fait un semblant d’évolution en ce qui concerne la garde à vue, car depuis peu le système permet aux avocats d’assister aux auditions qui se déroulent pendant votre garde à vue. Maintenant, c’est toujours pareil, vous devez garder le contrôle de vos auditions car ici nous ne sommes pas aux Etats-Unis. En Amérique, c’est l’avocat qui fait citer les témoins à la barre, qui conseille fortement au client de ne pas répondre aux questions des autorités… Mais ici, c’est tout autre, les avocats sont des gens qui se doivent d’exister au nom de la démocratie, mais pas plus.
Les conditions de détention, cela peut varier d’une personne à une autre. Par exemple une personne qui est principalement entourée par sa famille, qui bénéficie d’un soutien moral de l’extérieur accepte plus facilement, si je puis dire, sa détention, par rapport à quelqu’un de totalement démuni et de livré à lui-même. Mais, dans l’ensemble, une vie privée de liberté est très dure, moralement, surtout quand cela se chiffre en années. Maintenant, y a le détenu qui a la faculté de faire avec, bien difficile que cela soit, et d’autres qui flanchent, car le caractère et l’émotivité font que tout ça est difficilement supportable.
Pour les personnes dépendantes de produits stupéfiants, ce qui me laisse perplexe c’est qu’en détention, ils ont tendance à entretenir leur dépendance, car à haute dose, les produits de substitution, cela n’a pas grand effet, si ce n’est de changer une drogue pour une autre !
Faut savoir qu’en détention, tous les jours se ressemblent, se confondent et que les gens qui s’y trouvent confrontés constatent le gâchis que cela représente au quotidien. Certains mettent ce temps à profit pour apprendre autre chose, donc en partie faire de ce mal un aspect un peu plus positif tant que constructif. Quant aux aménagements de peine, ils n’ont rien de très fastidieux au premier abord, si ce n’est que de pouvoir les obtenir et les mettre en œuvre avec un juge de l’application des peines. Mais comme vous le savez sûrement, la société actuelle a tendance à durcir un peu la législation sur les mesures d’aménagement de peine, ce qui ramène la plupart des individus détenus à être libérée à la fin de leur peine, ce qui n’arrange pas toujours le problème de la récidive.
Post scriptum : vous me demandez si je souhaite conserver la citation de Terayama Shuji, qui a dit que derrière le masque du révolutionnaire, il y a le masque d’un grand metteur en scène. Cette citation me parle, car avec de fortes convictions, on peut se surpasser. Vous savez, les salles d’audience, ce ne sont que de vétustes pièces de théâtre. La plupart, pour ne pas dire tout le monde surjoue un peu son rôle à l’intérieur. D’où la nécessité d’évoquer l’opposition à un système très néfaste. A être vrai, quoi de mieux que d’être en accord avec soi-même ? Prenez l’exemple des ténors, comme Eric Dupont-Moretti. Ce dernier conforte l’analyse de Terayama Shuji, car il croit en sa vocation et parce qu’il a l’âme d’un révolutionnaire il devient le metteur en scène dans la plupart de ses audiences.