Condamné à près de soixante ans de prison pour plusieurs braquages, un détenu de la maison centrale de Poissy a cessé de s’alimenter depuis un mois. Ses proches le disent déterminé à aller « jusqu’au bout ».
Il est entré en prison en 1975 et doit en sortir en août 2032, à l’âge de 78 ans. Philippe El Shennawy, condamné pour des braquages avec prises d’otages, et plusieurs évasions et délits, a épuisé ses derniers ressources judiciaires. Le 18 mai, la cour d’appel de Versailles lui a refusé une confusion significative de ses multiples peines. Depuis, il a cessé de s’alimenter. « Ce n’est pas une grève de la faim », précise Benoît David, de l’association Ban public, dont Philippe El Shennawy est le président d’honneur. Ce dernier n’a réellement plus d’espoir.
Une vie derrière les barreaux
Depuis son incarcération à l’âge de 21 ans, en 1975, Philippe El Shennawy n’a passé que trente mois à l’extérieur, dont une vingtaine en cavale. Il n’a pas de sang sur les mains. Mais a passé sa vie « emmuré » pour une accumulation.
Condamné à perpétuité en 1977 pour un vol à main armée avec prise d’otages sur l’avenue de Breteuil, à Paris, il est aujourd’hui âgé de 58 ans et totalise trente-sept années de détention pour plusieurs condamnations différentes.
En 1991, il bénéficie d’une libération conditionnelle, quatorze ans avant la fin de sa peine de prison à perpétuité. Mais il est réincarcéré pour avoir bravé une interdiction de séjour à Paris pour rencontrer son fils. Six ans plus tard, il profite d’une permission de sortir pour s’enfuir. Plusieurs délits durant sa cavale lui valent des nouvelles condamnations.
Ce scénario se répète en 2004, lorsqu’il s’évade à nouveau, de l’unité pour malades difficiles de Montfavet, où il est enfermé. « C’était une tête dure, il refusait ses conditions d’incarcération, alors on l’abreuvait de tranquillisants pour essayer de le faire taire », raconte son avocat, Julien Dubs, dans une vidéo. Durant cette seconde cavale, il se rend de nouveau coupable de plusieurs infractions aux biens, et de vols à main armée.
Acharnement
Ses cavales et ses braquages lui ont valu une sombre notoriété et la sévérité des tribunaux. Ses méfaits sont jugés un à un et les condamnations sont additionnées au delà de trente ans.
Ses proches décrivent un homme intelligent et déterminés, qui mérite aujourd’hui de caresser l’espoir de recouvrer la liberté. « Il avait trouvé une sérénité ces dernières années, motivée par la confusion des peines que nous demandions à hauteur d’une vingtaine d’années » de réduction de peine, raconte Julien Dubs.
Alors, quand la cour d’appel de Versailles ne lui accorde que cinq ans de confusion de peine, en mai dernier, ses derniers espoirs s’évanouissent. « Il subit un acharnement administratif, car il a toujours revendiqué ses droits de détenu. Il est craint parce qu’il ne ferme pas sa gueule », dénonce Benoît David, mettant en doute l’honnêteté des « expertises » psychiatriques sombres qui collent à la peau de Philippe El Shennawy.
Il a cessé de prendre toute nourriture depuis le 25 mai, pour la 8e fois. « Sa dernière », assurent ses proches. « Cette fois, il n’en peut plus. Puisqu’on veut l’exécuter de façon administrative. Puisqu’on veut l’éliminer. Il a décidé de mettre à exécution sa peine », assure Laurent Jacqua, écrivain et ex-détenu, qui l’a rencontré en prison. « Ce qu’il vit est insupportable. Qui serait capable de supporter un tel enfer ? »
Perpétuités réelles
Un millier environ de détenus purgent des peines longues, selon l’association Ban public. Condamnés à perpétuité ou à des peines qui se cumulent dans le temps, ces détenus accomplissent des « perpétuités réelles » derrière les barreaux. « Dans les conditions de détention que l’on connaît en France, il est inimaginable de rester enfermé plus de vingt ans. Il existe d’autres moyens de les empêcher de commettre des délits », interpelle Laurent Jacqua. « Ça n’a de sens ni pour lui ni pour la société », regrette Benoît David, en évoquant le parcours carcéral de Philippe El Shennawy.
Alors ils espèrent pouvoir ouvrir un débat sur les longues peines et les périodes de sûreté, dont le nombre est en augmentation. Sous la pression politique et médiatique, les magistrats ont la main lourde. En 2006, une dizaine de détenus avaient déjà tenté d’éveiller les consciences en s’adressant à l’administration pénitentiaire pour demander le rétablissement de la peine de mort et le droit « d’en finir une bonne fois pour toutes plutôt que de crever à petit feu ».
Pour Philippe El Shennawy, il reste une alternative : le pourvoi en Cassation ou à la Cour européenne des droits de l’homme, où il a déjà fait condamner la France pour des fouilles à nu abusives. Une nouvelle demande de confusion de ses peines pourrait aussi être déposée s’il avance des éléments nouveaux. Mais il n’a plus la force d’attendre les années de procédures incertaines. Il reste à ses proches la possibilité d’enquérir une grâce présidentielle. Un dernier espoir.
Lettre de Philippe El Shennawy, le 7 mars 2011 :
« D’une certaine façon, je suis en ce moment de vie à la croisée des chemins… Dans quelques jours, j’aurai 57 ans et je me sais encore assez d’énergie et de volonté pour entreprendre quelque chose de positif dans la mesure où une perspective à très court terme se profilerait. Par contre, si la situation et les incertitudes devaient perdurer, il sera plus logique et plus sain d’y mettre un terme de soi-même. Rassurez-vous, …, il ne s’agit pas là d’un discours de désespéré, loin de là. Je suis simplement fatigué. »
(Source Ban public)
« Le dernier combat de Philippe El Shennawy, incarcéré depuis trente-sept ans »
Condamné à près de soixante ans de prison pour plusieurs braquages, un détenu de la maison centrale de Poissy a cessé de s’alimenter depuis un mois. Ses proches le disent déterminé à aller « jusqu’au bout ».
Il est entré en prison en 1975 et doit en sortir en août 2032, à l’âge de 78 ans. Philippe El Shennawy, condamné pour des braquages avec prises d’otages, et plusieurs évasions et délits, a épuisé ses derniers ressources judiciaires. Le 18 mai, la cour d’appel de Versailles lui a refusé une confusion significative de ses multiples peines. Depuis, il a cessé de s’alimenter. « Ce n’est pas une grève de la faim », précise Benoît David, de l’association Ban public, dont Philippe El Shennawy est le président d’honneur. Ce dernier n’a réellement plus d’espoir.
Une vie derrière les barreaux
Depuis son incarcération à l’âge de 21 ans, en 1975, Philippe El Shennawy n’a passé que trente mois à l’extérieur, dont une vingtaine en cavale. Il n’a pas de sang sur les mains. Mais a passé sa vie « emmuré » pour une accumulation.
Condamné à perpétuité en 1977 pour un vol à main armée avec prise d’otages sur l’avenue de Breteuil, à Paris, il est aujourd’hui âgé de 58 ans et totalise trente-sept années de détention pour plusieurs condamnations différentes.
En 1991, il bénéficie d’une libération conditionnelle, quatorze ans avant la fin de sa peine de prison à perpétuité. Mais il est réincarcéré pour avoir bravé une interdiction de séjour à Paris pour rencontrer son fils. Six ans plus tard, il profite d’une permission de sortir pour s’enfuir. Plusieurs délits durant sa cavale lui valent des nouvelles condamnations.
Ce scénario se répète en 2004, lorsqu’il s’évade à nouveau, de l’unité pour malades difficiles de Montfavet, où il est enfermé. « C’était une tête dure, il refusait ses conditions d’incarcération, alors on l’abreuvait de tranquillisants pour essayer de le faire taire », raconte son avocat, Julien Dubs, dans une vidéo. Durant cette seconde cavale, il se rend de nouveau coupable de plusieurs infractions aux biens, et de vols à main armée.
Acharnement
Ses cavales et ses braquages lui ont valu une sombre notoriété et la sévérité des tribunaux. Ses méfaits sont jugés un à un et les condamnations sont additionnées au delà de trente ans.
Ses proches décrivent un homme intelligent et déterminés, qui mérite aujourd’hui de caresser l’espoir de recouvrer la liberté. « Il avait trouvé une sérénité ces dernières années, motivée par la confusion des peines que nous demandions à hauteur d’une vingtaine d’années » de réduction de peine, raconte Julien Dubs.
Alors, quand la cour d’appel de Versailles ne lui accorde que cinq ans de confusion de peine, en mai dernier, ses derniers espoirs s’évanouissent. « Il subit un acharnement administratif, car il a toujours revendiqué ses droits de détenu. Il est craint parce qu’il ne ferme pas sa gueule », dénonce Benoît David, mettant en doute l’honnêteté des « expertises » psychiatriques sombres qui collent à la peau de Philippe El Shennawy.
Il a cessé de prendre toute nourriture depuis le 25 mai, pour la 8e fois. « Sa dernière », assurent ses proches. « Cette fois, il n’en peut plus. Puisqu’on veut l’exécuter de façon administrative. Puisqu’on veut l’éliminer. Il a décidé de mettre à exécution sa peine », assure Laurent Jacqua, écrivain et ex-détenu, qui l’a rencontré en prison. « Ce qu’il vit est insupportable. Qui serait capable de supporter un tel enfer ? »
Perpétuités réelles
Un millier environ de détenus purgent des peines longues, selon l’association Ban public. Condamnés à perpétuité ou à des peines qui se cumulent dans le temps, ces détenus accomplissent des « perpétuités réelles » derrière les barreaux. « Dans les conditions de détention que l’on connaît en France, il est inimaginable de rester enfermé plus de vingt ans. Il existe d’autres moyens de les empêcher de commettre des délits », interpelle Laurent Jacqua. « Ça n’a de sens ni pour lui ni pour la société », regrette Benoît David, en évoquant le parcours carcéral de Philippe El Shennawy.
Alors ils espèrent pouvoir ouvrir un débat sur les longues peines et les périodes de sûreté, dont le nombre est en augmentation. Sous la pression politique et médiatique, les magistrats ont la main lourde. En 2006, une dizaine de détenus avaient déjà tenté d’éveiller les consciences en s’adressant à l’administration pénitentiaire pour demander le rétablissement de la peine de mort et le droit « d’en finir une bonne fois pour toutes plutôt que de crever à petit feu ».
Pour Philippe El Shennawy, il reste une alternative : le pourvoi en Cassation ou à la Cour européenne des droits de l’homme, où il a déjà fait condamner la France pour des fouilles à nu abusives. Une nouvelle demande de confusion de ses peines pourrait aussi être déposée s’il avance des éléments nouveaux. Mais il n’a plus la force d’attendre les années de procédures incertaines. Il reste à ses proches la possibilité d’enquérir une grâce présidentielle. Un dernier espoir.
Lettre de Philippe El Shennawy, le 7 mars 2011 :
(Source Ban public)