[…] A cet effet, conjointement à l’article relatif à « l’histoire » de Malin paru dans l’édition du 21 juin de Nord Eclair, il en va aussi de cet ajout soulignant l’absence de droits dans ces univers concentrationnaire où tout micro-incident donne lieu à une violence institutionnelle disproportionnée et où le moindre écart de comportement, le plus ténu soit-il, amorce une rétorsion latente, agencée. Dois-je préciser que, de source administrative, certains groupes de l’effectif du C.D. de Loos (dorénavant fermé) sont venus s’entraîner ici, en simulation d’intervention, avant l’ouverture des lieux ? C’est te dire la teneur préalable allouée à cette place bien avant l’arrivée du cheptel, l’optique sécuritaire étant déjà le vecteur directeur de l’endroit. […]
Depuis l’épisode de Malin, rien n’a changé, bien au contraire. Dernier épisode en date, quelques arrivants cette semaine dont l’un d’entre eux venait de Centrale. Après avoir effectué le parcours de l’arrivant ( ≈ 8 jours de dissection des intéressés dans une unité particulière), il est arrivé au bâtiment « CD » où il n’y est pas demeuré plus d’une demi-journée, intégrant par choix le mitard afin de quitter ce cloaque au plus tôt. Un tel réflexe ne fait que conforter mon point de vue quant à cette impérative nécessité, salvatrice par là même, à quitter ce périmètre dès que possible, révulsant dans sa négation de l’être et dans son dessein d’avilissement permanent.
S’agissant du florilège des expériences vécues, mon avis demeure inchangé, vous tamiserez sûrement l’ensemble, évacuant l’insipidité et le superflu pour ne garder que ce qui doit l’être. Il y a très rarement des propos cohérents et un échange constructif dans les cours de promenade que je visite. Tant et si bien que le brassage des contacts permet de ne pas régresser, c’est même là une méthode de survie. Ce microcosme n’est jamais que le reflet de la société extérieure. Te viendrait-il à l’idée d’apostropher chacun (ou chacune) croisé(e) dans la rue afin de les sonder de manière informelle sur leur état d’infortune ? Le résultat risquerait d’être très aléatoire. Pour ce que vous désirez accomplir, je pense qu’il faut orienter et cibler votre démarche. C’est le bouche à oreille carcéral qui vous permettra d’accéder à un certain niveau d’échange. Par le temps, la sélection s’opérera d’elle-même. Certains n’ont rien à dire, ils évoluent dans une vacuité constante, là où d’autres s’inscrivent dans une victimisation égotique, sans conteste les pires, incapables de relativiser au regard de parcours plus poignants, plus sensibles. Il faut aussi tenir compte des difficultés rédactionnelles d’un certain nombre, lesquels ne franchiraient pas le cap, mal à l’aise face à la feuille. On ne peut les blâmer à cet effet.
Concernant Philippe*, j’ai rédigé un premier jet que je vais peaufiner. Ce n’est pas évident d’entamer un courrier en ce sens. Je ne veux pas faire dans la fadeur, dans le propos pré-construit qui n’apporte rien. […]
Tu me parles de Catherine1, sa disparition m’a affecté. Je l’ai connu en 2002 lorsque j’étais à la Santé. Elle co-animait « L’envolée » sur Fréquence Paris Plurielle chaque vendredi soir en compagnie de Nadia et autres dont le prénom m’échappe. j’apportais mont écot à la cause et c’était là le centre névralgique des taules parisiennes. De grands moments !
Au-delà l’échange a persisté, même lorsque je suis revenu dans le nord. j’étais au QI lorsque j’ai appris son décès, (dans C.Q.F.D), personne n’avait jugé bon de m’en informer. Une page s’est tournée ce jour-là. […]
Il y en eut d’autres avant Malin qui eurent à subir ces exactions et qui furent également convoqués judiciairement afin d’écoper d’un ajout afflictif. Nul n’en a parlé ou presque. Tout ceci pour te dire que je ne suis pas dupe, qu’il y a comme dans toute situation l’être et le paraître, qu’à force de faire dans le carcéralement correct, on s’installe dans un désaveu de façade, édulcorant par là même toute velléité pugnace. Maintenant, il est toujours temps de saisir le défenseur des droits, ainsi que le stipule l’article, sur ce qui s’est passé mais Malin part en appel avec l’handicap de la chose jugée et rien n’est certain en ce sens. […]
1Référence à Catherine Charles, fondatrice de l’Arrpi (Association pour le respect des proches des personnes incarcérées)
* Philippe El Shennawy a décidé de se laisser mourir d’inanition depuis le 23 mai 2012. Il n’est libérable que le 14 mai 2032 alors qu’il a déjà 37 ans de détention derrière lui. Il est possible d’écrire à l’adresse suivante : Monsieur Philippe El Shennawy, Maison centrale de Poissy, 17, rue de l’Abbaye, 78 300 Poissy