L’ histoire d’A.P, plaquiste de métier, révélée par l’Observatoire international des prisons, se déroule à la maison d’arrêt de Rouen. En juin 2012, l’homme, blessé à la main, aurait dû subir une opération complexe, programmée depuis longtemps au service SOS mains de Tourcoing (Nord). C’est l’articulation du quatrième doigt de sa main droite qui est endommagée. Seule solution pour qu’il recouvre la mobilité de son doigt : remplacer l’articulation abîmée par l’articulation de l’un de ses orteils.Seulement voilà, la greffe qu’il devait subir le 27 juin dernier n’a pas eu lieu. Et pour cause, le 1erjuin, A.P est placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Rouen, pour une affaire de trafic de stupéfiants en récidive, dont il reconnaît les faits. À l’époque, l’équipe médicale estimait « souhaitable qu’A.P puisse bénéficier d’une suspension de peine pour que cette opération puisse être réalisée comme prévu à Tourcoing, et ce, dans les meilleurs délais ». Son avocat demande une assignation à résidence sous surveillance électronique, afin que son client puisse bénéficier de l’intervention et de la rééducation nécessaire à la guérison de son doigt.Un premier refus…puis un deuxième
Une requête qui sera rejetée par la chambre de l’instruction le 21 juin, celle-ci estimant qu’en l’absence de « délais impératifs » pour l’opération et aux vues des diverses condamnations dont A.P faisait déjà l’objet, il existait un « sérieux risque de récidive et de non représentation en justice », et, qu’ainsi, la détention provisoire était « l’unique moyen d’éviter toute pression, concertation ou représailles ».Pour A.P, ce n’est que le début d’une longue liste de demandes de remise en liberté. Le 8 août 2012, une nouvelle demande est rejetée. Pourquoi ? Parce que les documents médicaux ne permettent pas « d’évaluer la nécessité et l’urgence de l’opération envisagée ». Le 30 août, le rejet est confirmé par la Cour d’appel.Une opération compatible avec le maintien en détention ?
Le 24 septembre, le juge des libertés et de la détention prolongera par ordonnance la détention provisoire d’A.P, soulignant cette fois que « ce type d’opération, dont l’urgence n’[est] pas démontrée, pourrait intervenir dans le cadre carcéral ». Pourtant, plusieurs certificats médicaux précisent qu’une opération, telle que la greffe prévue initialement, n’est pas compatible avec un maintien en détention :
« Ce type d’intervention pourrait être pratiquée sur Rouen, mais les suites opératoires seraient incompatibles avec le maintien en détention normale. Elle exigerait deux à trois mois pour qu’elle soit réalisée dans de bonnes conditions et que la convalescence se termine ».
Un médecin de la maison d’arrêt de Rouen précise par ailleurs, dans un certificat daté du 17 juillet, qu’une fois incarcéré, « il est extrêmement difficile d’obtenir des rendez-vous dans des délais décents auprès de SOS mainsau CHU de Rouen ».Le 8 octobre 2012, le détenu obtient tout de même une consultation au service orthopédique de Rouen. Mauvaise surprise, le chirurgien ne lui propose pas la greffe initialement envisagée mais une autre opération : une« arthrodèse ». Autrement dit, un blocage de l’articulation. A.P perdrait donc définitivement l’usage de son doigt. Il refusera l’opération.Quelle solution ?
Pour résumer, aucune des deux solutions qui s’offrent à A.P ne sont envisageables. D’un côté, le juge des libertés refuse de le laisser sortir, le temps de se faire opérer et de bénéficier de la rééducation nécessaire au bon fonctionnement de son doigt. De l’autre, A.P refuse de subir une « arthrodèse », opération faisable tout en restant incarcéré, mais qui signifie la perte définitive de son doigt.A.P et son avocat sont donc contraints de multiplier les demandes de remise en liberté, espérant obtenir gain de cause. En attendant, plus les jours passent, plus A.P risque de perdre définitivement l’usage de son doigt. Dans un certificat daté du 12 décembre, un médecin de la maison d’arrêt de Rouen met pourtant en garde :
« L’arthrodèse est actuellement en train de se constituer naturellement, ce qui entraîne une perte de chance sur le plan du résultat fonctionnel (…) Si A.P. n’est pas opéré dans les plus brefs délais […], il devra subir, au niveau de son 4e doigt de la main droite, une arthrodèse définitive, ce qui aura des conséquences sur l’avenir professionnel du patient, plaquiste ».
Que dit la loi ?
En France, les textes de lois garantissent aux personnes détenues un accès aux soins similaire à ceux que peut recevoir l’ensemble de la population.
- L’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que « la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population.»
- L’article 2 de la même loi, indique que le service public pénitentiaire « contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société ».
En prison à Rouen, il risque de perdre un doigt
Une requête qui sera rejetée par la chambre de l’instruction le 21 juin, celle-ci estimant qu’en l’absence de « délais impératifs » pour l’opération et aux vues des diverses condamnations dont A.P faisait déjà l’objet, il existait un « sérieux risque de récidive et de non représentation en justice », et, qu’ainsi, la détention provisoire était « l’unique moyen d’éviter toute pression, concertation ou représailles ».Pour A.P, ce n’est que le début d’une longue liste de demandes de remise en liberté. Le 8 août 2012, une nouvelle demande est rejetée. Pourquoi ? Parce que les documents médicaux ne permettent pas « d’évaluer la nécessité et l’urgence de l’opération envisagée ». Le 30 août, le rejet est confirmé par la Cour d’appel.Une opération compatible avec le maintien en détention ?
Le 24 septembre, le juge des libertés et de la détention prolongera par ordonnance la détention provisoire d’A.P, soulignant cette fois que « ce type d’opération, dont l’urgence n’[est] pas démontrée, pourrait intervenir dans le cadre carcéral ». Pourtant, plusieurs certificats médicaux précisent qu’une opération, telle que la greffe prévue initialement, n’est pas compatible avec un maintien en détention :
Un médecin de la maison d’arrêt de Rouen précise par ailleurs, dans un certificat daté du 17 juillet, qu’une fois incarcéré, « il est extrêmement difficile d’obtenir des rendez-vous dans des délais décents auprès de SOS mainsau CHU de Rouen ».Le 8 octobre 2012, le détenu obtient tout de même une consultation au service orthopédique de Rouen. Mauvaise surprise, le chirurgien ne lui propose pas la greffe initialement envisagée mais une autre opération : une« arthrodèse ». Autrement dit, un blocage de l’articulation. A.P perdrait donc définitivement l’usage de son doigt. Il refusera l’opération.Quelle solution ?
Pour résumer, aucune des deux solutions qui s’offrent à A.P ne sont envisageables. D’un côté, le juge des libertés refuse de le laisser sortir, le temps de se faire opérer et de bénéficier de la rééducation nécessaire au bon fonctionnement de son doigt. De l’autre, A.P refuse de subir une « arthrodèse », opération faisable tout en restant incarcéré, mais qui signifie la perte définitive de son doigt.A.P et son avocat sont donc contraints de multiplier les demandes de remise en liberté, espérant obtenir gain de cause. En attendant, plus les jours passent, plus A.P risque de perdre définitivement l’usage de son doigt. Dans un certificat daté du 12 décembre, un médecin de la maison d’arrêt de Rouen met pourtant en garde :
Que dit la loi ?
En France, les textes de lois garantissent aux personnes détenues un accès aux soins similaire à ceux que peut recevoir l’ensemble de la population.
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