Que valent les vies de Lakhamy et Moushin ? (Angles Morts)

État policier : quand les bourreaux deviennent les victimes

Plus de quatre ans après la mort de Lakhamy et Moushin, percutés par une voiture de police à Villiers-le-Bel, le conducteur du véhicule devra répondre d’une accusation d’homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Un procès qui intervient au terme d’une série de non-lieu expéditifs, suivis de recours et – finalement – d’une mise en examen concédée comme un gage de bienveillance et d’équité. C’est en effet à quelques jours de l’ouverture du procès en appel des « tireurs présumés de Villiers-le-Bel » (le procès en première instance s’est tenu en octobre 2011) que ce renvoi en correctionnelle a été annoncé. Difficile de ne pas faire le lien entre les deux. De ne pas se dire qu’il s’agit d’un côté de délier les mains à la justice pour lui permettre de frapper fort ces « tireurs présumés » de l’autre. Le 19 avril dernier, on apprenait en outre qu’un des policiers présents dans la voiture de police était poursuivi pour « faux témoignage ».

La justice est sortie renforcée de l’exécution judiciaire des frères Kamara lors du procès des tireurs présumés : elle a démontré que son couperet peut s’abattre librement, sans autres motifs que les impératifs sécuritaires qu’elle cautionne et nourrit. Et cette démonstration a été acceptée par une grande partie de la population.
Après ce procès destiné à souligner la puissance de la justice, celui du conducteur du véhicule de police a une fonction symbolique : il s’agit de faire croire que la justice est aveugle – aux races, aux uniformes, aux fonctions – et donc impartiale. Et si le conducteur écope finalement d’une condamnation de pure forme, cela ne sera pas dû à son statut, aux durcissements des revendications d’impunité du corps policier, au rôle essentiel que joue la justice dans la cohésion des différentes branches de l’État, mais aux « éléments du dossier  » insuffisants ou au « doute raisonnable » d’un juge bienveillant.

Au moment du verdict, il faudra évidemment se souvenir des peines éliminatrices assénées aux frères Kamara en octobre 2011 : 15 et 12 ans. Mais il faudra également garder en tête les peines de principe dont ont « écopé » en janvier 2011 les policiers responsables de la mort d’Hakim Ajimi, étouffé par la BAC de Grasse, en plein centre-ville devant une dizaine de témoins1. Il faudra se souvenir du sourire triomphant du meurtrier de Youssef Khaïf lors de son acquittement au terme d’un «  procès colonial »2, de la relaxe du gendarme qui il y a quelques années abattait Joseph Guerdner de plusieurs balles dans le dos, de la mise à mort de Karim Boudouda au pied de son immeuble à Grenoble en 2009, de Wissam El Yamni lynché par la police à Clermont-Ferrand le 31 décembre 2011. Il faudra se souvenir des victimes salies par les procureurs et les juges, les syndicats policiers et les médias. Oui, il faudra ne rien oublier de tout cela pendant ce procès prétendument destiné à « apaiser les esprits », un procès « de paix et de réconciliation  »3. Sa tenue marquera la clôture, légale et symbolique, de la « bataille de Villiers-le-Bel  ». Et montrera à nouveau que toutes les vies ne se valent pas ; une inégalité qui se traduit en décès ou en années de prison pour certains, en sursis ou en avancement professionnel pour les autres.

Le procès du conducteur intervient par ailleurs à un moment-clé : à la revendication du statut de victime, que les policiers mettent en avant depuis 2005, est venue s’ajouter celle d’un permis de tuer, comme l’ont montré les manifestations de policiers soutenant leur collègue mis en examen pour homicide volontaire après la mise à mort d’Amine Bentounsi à Noisy-le-Sec le 21 avril 20124.
Lors des révoltes de Villiers-le-Bel, puis de leur répression judiciaire, la figure du policier-victime était l’enjeu central. C’est pourquoi on assista à une « saturation médiatique » autour des violences subies par la police et des tirs au plomb, quand il n’y avait là en réalité rien de très nouveau. Cette propagande médiatique, puis judiciaire lors des divers procès, a permis un renversement : les vraies victimes n’étaient plus Lakhamy et Moushin, mais bien les policiers blessés et « traumatisés ». En d’autres termes, le bourreau est devenu victime. C’est cette inversion qui fonde la revendication policière d’une « présomption de légitime défense », soit l’inscription dans le droit de l’impunité policière – de quoi faciliter aussi la tâche de la justice quand elle blanchit les auteurs de crimes policiers, en lui fournissant une arme judiciaire imparable. Et ce nouveau statut de victime accordé par les médias et la justice intervient alors même que le modèle d’action policière et de maintien de l’ordre (armement, unités de harcèlement dans les quartiers populaires) devient plus offensif.

Vérités

« À l ’heure actuelle, on ne sait pas comment ça s’est passé. On n’a pas de témoignage. Mais il y a tellement d’ancienneté, d’anecdotes qui se passent, ils ont une telle habitude de violence, ils ont une telle habitude d’un comportement discriminatoire qu’on ne croit pas dans ce qu’ils disent, qu’on ne croit pas dans leur version. »5

Le procès s’ouvrira le 29 juin, la plupart de ses séances seront sans doute consacrées à l’examen détaillé des circonstances de la collision entre la moto sur laquelle circulaient Lakhamy et Moshin et la voiture de police, à la comparaison entre la déposition du conducteur et les conclusions de l’expertise. Avec cette question à trancher : le 25 novembre 2007, par sa conduite, ce policier s’est-il rendu coupable d’homicide involontaire ?

Mais on ne saurait cantonner la vérité à la détermination des circonstances précises de la mort de Lakhamy et Moshin. Car cette vérité est également à chercher dans la fréquence des parechocages policiers, dans le nombre de personnes qui meurent en tentant de fuir la police, dans l’occupation policière, dans les méthodes de chasse des unités de police déployées dans des territoires perçus comme fondamentalement hostiles, étrangers. Elle est dans ce que la sœur de l’un des « tireurs présumés » appelle «  l’insécurité policière ». Une vérité qui n’émerge jamais dans les enceintes des tribunaux. Pourtant, la peur de la police qui pousse irrésistiblement à fuir, sa fonction de répression et de harcèlement, son histoire faite de violences et d’occupation/« reconquête  » de territoires « perdus  », sont déterminantes dans la mort de Lakhamy et Moshin, de Mohammed Ben Mâamar, de Yakou Sanogo, de Malek Saouchi.

Au fond, deux processus parallèles permettent de retracer la vérité sur une mort imputable à la police. Le premier est l’enchaînement des événements : Lakhamy et Moushin circulent à moto, une voiture de police – lancée à 60 km/h, en phase d’accélération – les percute, ils sont projetés et meurent. Les policiers quittent rapidement les lieux.
Le second processus est social et historique. Il se compose du harcèlement policier au quotidien (Lakhamy et Moshin avaient été contrôlés par la BAC au cours de la journée), de la mémoire de la police dans le quartier (des humiliations, des GAV injustifiées, des coups, des accusations d’outrage ou de violence) et de fragments d’histoire (des récits du 17 octobre, du racisme subi par les anciens, des crimes policiers connus dans le quartier et dans d’autres). Et c’est ce second processus, cette seconde force, qui est systématiquement écarté par les procureurs, les tribunaux et les médias, voire par les avocats de la défense.

C’est peut-être parce que cette seconde dimension est systématiquement mise à l’écart qu’une impression de « tout recommencer à zéro » se dégage à chaque nouvel élément s’inscrivant dans cette succession de crimes impunis. Dès qu’une famille et un quartier perdent un proche sous les coups, les balles ou le pare-choc d’une voiture de police, les mêmes élément s’enchaînent. À chaque nouvel épisode, on demande aux familles de faire preuve d’humilité et de « patience  » devant les mensonges institutionnels qui salissent la mémoire de leurs proches, devant des non-lieux ou des acquittements, devant des procès où le mépris de l’appareil judiciaire succède à celui de la police.

« Que vaut la vie de Youssef  ? », demandaient les militants du MIB au moment du procès du meurtrier de Youssef Khaïf. Une question qui n’a cessé de se poser depuis, suscitant toujours la même réponse. Depuis une trentaine d’années, les procès d’auteurs de crimes policiers démontrent que s’en « tenir aux faits  » ne suffit jamais à obtenir gain de cause devant la justice. De l’affaire Youssef Khaïf6 à la mort d’Hakim Ajimi, l’histoire se répète : à chaque fois, tous les « faits  » et « éléments  » accusent lourdement et sans ambiguïté les policiers, mais ils sortent du tribunal acquittés ou avec des peines de prison avec sursis. Au fond, rester au plus près des faits et établir un dossier à charge ne comblera jamais le fossé qui existe entre des vies qui valent moins que d’autres et les représentants d’une institution dont le rôle central dans la mise au pas de certains territoires lui garantit le soutien sans faille de l’État.

C’est bien pour cela que la vérité que recherchent les nombreux « comités vérité justice » est aussi faite des lenteurs, des entraves, des contradictions de l’appareil judiciaire, de son refus de reconnaître l’évidence. Le traitement judiciaire d’un crime policier est une partie de la vérité : elle révèle ce que vaut la vie d’un arabe, d’un Noir, d’un gitan, mais aussi ce que vaut la liberté d’un policier. Elle révèle ce que la police peut, sans courir de risque, lui faire subir.

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Retour sur les faits

Le 25 novembre 2007, Lakhamy et Moushin, deux adolescents de Villiers-le-Bel, âgés de 15 et 16 ans, trouvent la mort après une violente collision entre leur moto et une voiture de police. Les autorités publiques s’empressent d’attribuer ces deux morts à un simple et malheureux « accident » de la circulation. Les habitants tiennent quant à eux un discours bien différent. Un témoin affirme en effet que « les policiers les ont volontairement tamponnés ». Un autre avance : « Ils voulaient les bloquer sur le trottoir. Ils ont déjà fait cela […] les policiers ont coupé la route à la moto »7.

Marie-Thérèse de Givry, procureure de la République de Pontoise, confirmera la version policière avant même le début de l’enquête : il s’agirait d’un « accident de la circulation », un simple « refus de priorité » survenu entre une mini-moto « non homologuée », « sans freins ni éclairage », qui circulait « à vive allure », et un véhicule de police circulant « normalement », qui n’était pas « particulièrement en opération ».

L’IGPN (Inspection générale de la police nationale) est saisie le lendemain pour des « faits d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger ». Très rapidement, la « police des polices » écarte la responsabilité des siens : la moto roulait « à très vive allure » et les deux jeunes auraient refusé de céder la priorité à droite dans une intersection. Les agents à bord de la voiture ont déjà été entendus, et c’est sur la seule base de leurs déclarations, réalisées collectivement, que l’IGPN a écarté leur responsabilité : leur voiture roulait « normalement, sans dépassement de vitesse en agglomération et sans gyrophare », « les policiers n’ont pas pu faire autrement », ils n’auraient pas pu éviter le choc, « très violent »8.

La procureure de la République de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry, déclarera le lundi 26 novembre à la presse que trois témoins entendus le dimanche soir avaient confirmé la version des policiers au sujet des circonstances de l’accident9.
L’instruction suit son cours. Le 28 novembre, une information judiciaire – « contre X », alors que les responsables sont connus – pour homicide involontaire est ouverte. Rapidement, elle établit les torts des deux jeunes : leur mini-moto n’était pas homologuée, elle n’avait ni freins ni éclairage, les deux jeunes ne portaient pas de casque. L’expertise technique, dont les résultats sont rendus publics le 1er juillet 2008, contredira la version officielle : le rapport explique en effet que les policiers roulaient à 64 km/h au moment de la collision. La voiture circulait sans gyrophare ni avertisseur et les agents avaient auparavant déclaré qu’ils roulaient à 40 ou 50 km/h. Ajoutons que le véhicule était en phase d’accélération au moment de l’impact avec la moto10.

Le 23 octobre 2009 une ordonnance de non-lieu est rendue. En avril 2010, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles infirme ce non-lieu et ordonne un supplément d’information, qui aboutira à la mise en examen du conducteur pour homicide involontaire le 22 septembre 2011. Parallèlement, en juin 2010, les avocats des familles des victimes déposent une plainte qui débouchera sur la mise en examen d’un autre policier pour faux témoignage.

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Soirée de soutien aux prisonniers de Villiers-le-Bel, le 10 juin prochain, Montreuil

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Programme plus détaillé ICI.


1 . Cf. Collectif Angles Morts, « ’On vous laisse entre vous’. Retour sur le procès des meurtriers d’Hakim Ajimi  ». Jean-Michel Moignier s’est vu condamné à 18 mois de prison avec sursis, Walter Lebeaupin à 24 mois avec sursis, Jim Manach à 6 mois avec sursis. Suite à cette condamnation, sept policiers de la BAC de Grasse présentent leur démission : il s’agit d’« un geste symbolique fort, signe d’un soutien entier et franc à nos collègues Jean-Michel Moinier et Walter Lebeaupin », déclarait un membre du syndicat Unité SGP-Police.

2 Cf « Nous sommes tous Youssef ».

3 Déclaration de Jean-Pierre Mignard, avocat des familles de Lakhamy et Moshin, cité dans « Villiers-le-Bel : un policier devant la justice pour homicide volontaire », Le Monde, 22 septembre 2011.

4 « Pour Alliance Police Nationale, c’est simplement inacceptable. Comment peut-on placer notre collègue dans la même catégorie que les meurtriers qui tuent nos collègues ? », s’indignait ainsi un syndicat policier. Cf. Rafik Chekkat, «  La peine de mort a été abolie, pas la mise à mort  ».

5 . Propos de Tarek, militant du MIB, le jeudi 6 juin 2002 sur les lieux de la mort de Mohammed Berrichi, à Dammarie-lès-Lys. Mohammed Berrichi, meurt le jeudi 23 mai après avoir percuté un trottoir, alors qu’il roulait en scooter à Dammarie, poursuivi par la BAC. Sa mort est intervenue deux jours après celle de Xavier Dem, abattu par la police le 21 mai 2001 à la cité du Bas-Moulin, à Dammarie.

6 Cf. le film de Mogniss H. Abdallah, Que vaut la vie de Youssef ?, Im’media/MIB, 2001.

7 « Cinq questions autour du décès de Larami et Moushin », Le Parisien, 27 novembre 2007.

8 « Les interrogations autour de la mort de Larami et Moushin », Le Monde, 27 novembre 2007.

9 « Villiers-le-Bel : quarante policiers blessés », Liberation, 25 novembre 2007.

10 « Expertises embarrassantes pour la police », Libération, 02 juillet 2008.

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Bulgares donc voleurs !

Témoignage audio  ici : http://www.gettingthevoiceout.org/bulgares-donc-voleurs-08032013/

Ils étaient quatre dans leur voiture  sur l’autoroute près d’Anvers. Ils sont suivis par une voiture de police, puis d’autres voitures de police arrivent et on leur fait signe de s’arrêter : fouille complète de la voiture et contrôle des papiers . La police ne trouve rien et leurs papiers sont en ordre.

Ils sont amenés au commissariat de Turnhout : raison évoquée : tentative de vol, en ajoutant que c’est pas la première fois qu’ils sont contrôlés sur les routes belges, qu’ils sont Bulgares donc que ce sont des voleurs.  On leur dit qu’ils peuvent appeler un avocat mais que cela se passera plus rapidement sans.. En confiance ils acceptent et attendent.

Après 36 heures de cachot sans avoir reçu un verre d’eau ils sont amenés au centre fermé de Vottem, toujours pour tentative de vol !

« On  ne comprend pas pourquoi on est enfermé. On a les bons  papiers. »

« On n’enferme pas sans procès »

Ils ne savent pas où sont leurs bagages ni leur voiture. On leur a annoncé qu’ils seraient expulsés lundi prochain.

A Vottem ils n’ont aucun interlocuteur pour expliquer la situation, ni avocats , ni AS.

Ils voudraient bien récupérer leur voiture et leurs affaires et quitter au plus vite la Belgique !

 

SOURCE : http://www.gettingthevoiceout.org/bulgares-donc-voleurs-08032013/

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« Je suis une personne qui a dérangé »

( Nous avons reçu ce texte, qui par ailleurs a été lu sur la radio Canal sud à Toulouse (92.2) le 3 mai 2011. Texte paru dans le journal papier Sans Remède n°4, décembre 2012)

Il y a des gens qui attendent pour avoir de l’inspiration. J’aimerais faire partie des gens qui attendent, mais je n’ai plus le temps d’attendre. On m’a volé ma vie. Et certes j’en suis consciente, je ne pourrai plus rattraper ce temps. Et je ne cherche plus à le rattraper. Je ne suis pas non plus dans un délire de science-fiction, je ne cherche donc pas la machine à remonter le temps, je la laisse aux réalisateurs.

La seule chose dont il me reste c’est de m’exprimer face à une société hypocrite, une société schizophrène. On donne des noms de maladie comme schizophrénie mais cette maladie n’est que le reflet de l’incompréhension sur une personne face à cette société. Ces gens dits schizophrènes souffrent d’une réalité évidente mais ils doivent se taire. Ils sont même dits parfois dangereux. Je ne vous dis pas ça parce que je suis schizophrène, non, mon diagnostic a été établi et je suis borderline, en gros le cul entre deux chaises.

Je suis une personne qui a dérangé.

Et Sarkozy au lieu d’établir sa politique de nettoyage au karcher, qui m’aurait franchement amusée, et oui, il n’aurait fait que me mouiller au pire me laver.

Non il a opté pour le lavage de cerveau à base de camisole chimique pendant trois ans non stop.

À force de forts dosages, je suis même tombée dans un coma artificiel de huit jours sans qu’aucun membre de ma famille soit au courant. SARKO tu peux m’expliquer ? Sarko je suis désolée pour toi mais j’ai des tas de questions à te poser.

Après trois ans de surmédicamentation, j’ai développé une hépatite médicamenteuse, une stéatose et ça va de soi une obésité.

Tu sais sur les notices de médicaments appelés psychotropes, il est mentionné de ne pas ingérer ce produit en cas d’hépatite mais le produit m’était injecté tous les quinze jours. J’aurais préféré que tu me mettes dans un four crématoire. Là ma mort aurait été plus rapide.

Là je vis une mort lente et douloureuse.

Tu ne connais peut-être pas le mot douleur physique.

Mon psychisme, il va bien. De plus, plus je parle ou j’écris plus il va bien mais le physique ne suit pas. Colique avec un dos irradié, douleur dentaire, énurésie.

Bref je sais que je t’ennuie mais je te demande des réponses afin que mon corps cicatrise.

PS : va donc sur mon casier judiciaire, il est vierge.

Tes agents de la voie publique, je les respecte.

Et puis le personnel soignant des HP ou CMP eux aussi je ne leur ai fait aucun préjudice.

Sache aussi que j’ai connu le viol en HP. Le premier j’ai été à la gendarmerie de Fontainebleau lesquels m’ont dit qu’il fallait d’abord porter plainte contre l’établissement.

Le second en HP à V. Corbeil-Essonnes. Tu sais là où on met les gens en HO d’abord dans le mitard, puis en chambre d’isolement puis enfin en chambre ouverte. Je l’ai signalé au personnel. Je dormais avec mes habits mais le matin j’étais dévêtue. Face à leur incompréhension, j’ai demandé à être enfermée dans ma piaule sans alarme. Il est revenu mais il ne pouvait pas entrer.

Le lendemain, un psy m’a fait sortir de cet HP.

Je suis retournée dans mon foyer F. CHRS mais ils ne m’ont pas laissé rentrer et m’ont demandé de retourner dans cet HP.

J’ai donc pris la fuite chez un ami à Paris 15ème. C’était un sans papier, on s’est d’ailleurs mariés.

Tu sais sur ce mariage il y a eu enquête au commissariat du XVème, métro Charles Michels.

Pendant mon audition, ils m’ont demandé si mon père était incarcéré ?

J’ai répondu que j’étais là pour me marier et non pour les affaires d’inceste. Car comme toi cet homme est trop puissant. Et on peut donc rien contre lui. Donc conséquence, on s’attaque à moi, sale gamine.

Maintenant je vais demander à mon infirmier ici présent de m’injecter ma camisole chimique afin que je te foute la paix. Tu sais la piqûre qui brûle les fesses de plus en plus fort et qui nous plonge dans un profond sommeil. Au fait ton karcher, il est rempli d’eau froide ou d’eau chaude ?

Après si je me réveille je ferai une tentative d’exister. Enfin si tu veux bien me laisser vivre en liberté avec mon pauvre statut handicapé.

Dis toi aussi que ton cerveau fuse aussi vite que le mien à part que moi, je n’essaye pas de la faire à l’envers, tu es un homme de pouvoir, tu ne souhaites que la réussite avec le plus d’entrée d’argent si possible, pour moi tu n’es qu’un malade de pouvoir, moi je suis une malade comme toi mais le pouvoir c’est contre ma nature, c’est pas ma vertu, mais par contre les injustices, je me battrai tout le temps. Toi tu n’hésites pas à tuer, en plus c’est de la torture car tire un bon coup sur moi et au moins je ne verrai plus les aberrations de ta société la plus arriérée en Europe et surtout au niveau de la santé.

La piqûre commence à agir, des éléments schizophréniques vont me passer dans la tête.

Je voudrais que sur mon PC aucune publicité me harcèle, j’écoute une chanson sur youtube for example mais là je me tape cerise de groupama mais qu’est-ce qu’elle fout là elle, dégage, je veux écouter mon son !

OCNI

Texte paru dans le journal papier Sans Remède n°4, décembre 2012  •  sans.remede@laposte.net
 
Vous pouvez trouver ce numéro, ainsi que les précédents, en lecture ou téléchargement sur le site internet sansremede.fr

 

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Mort à la santé (tract et témoignage)

Le vendredi 15 février, un détenu de 19 ans est mort à la maison d’arrêt de la santé. Alors qu’il demandait des soins, les matons l’ont laisser agoniser toute la nuit seul dans sa cellule. Encore une personne tuée par la taule, c’est au moins le dixième depuis le début de l’année. Des témoignages sortis de l’intérieur mettent en évidence la responsabilité de l’Administration pénitentiaire.
« On était en promenade tout simplement. Il a eu un malaise. Au moment du malaise, il avait les deux mains dans les poches. C’est à dire qu’il est tombé directement à la renverse. D’une intensité tellement forte que tout le monde s’est retourné au moment du choc entre son crâne et le sol. De là il y a une partie de la promenade qui s’est mise à taper à la porte pour appeler les secours. Il y a une autre partie de la promenade qui s’est occupée de lui et l’ont mis en position latérale de sécurité. Le temps que les secours arrivent il s’est passé un petit quart d’heure. Pendant ce quart d’heure je vais vous dire ce qu’il s’est passé. Il y a le chef de la division qui est venu avec le directeur donc ils ont dit aux détenus de le porter jusqu’à la porte. Certains détenus ont dit au directeur « Mais attendez monsieur le directeur vous voyez bien qu’il est très mal le jeune homme. Il est gris, il est vraiment gris, on peut pas le déplacer, on attend les secours dans la promenade. » Donc le directeur il dit « non non il y a personne qui rentre dans la promenade ramassez moi ça ». Déjà on était choqué, mais on obéit pour le bien du jeune homme. On le transporte à 3, et on l’amène jusqu’à devant la porte de la promenade. Entre la promenade et le bâtiment, il y a un couloir. Donc on le dépose dans le couloir. De là on pensait qu’il allait être pris en charge. Mais en fait il est resté dans le couloir. Il y a d’autres gens qui venaient du parloir et qui ont vu la scène. Le médecin est venu et l’a ausculté sur place. Donc il est jamais parti à l’infirmerie. C’est vraiment super grave, car je voudrais préciser qu’il avait un hématome de la taille d’un œuf. Donc le médecin, il voit si il est inconscient. Il était inconscient… Quelques minutes plus tard il reprend un peu ses esprits. Donc le médecin, qui s’appelle docteur Isidore, mais nous à la santé on l’appelle docteur Strauss en référence à la série H, car ce médecin c’est vraiment un boucher. Il lui donne 2 dolipranes, et lui dit« écoute, monte en cellule, mange bien, tu as juste fait une petite perte de connaissance.

De là il retrouve un peu ces esprits, mais il s’est vomi dessus. Donc il remonte seul, sans accompagnement en cellule, arrivé en cellule, il demande à un surveillant tout gentiment : « Est ce que je peux aller prendre une douche ? » ce qui est refusé. Là on est vers 18-19H, il commence à se plaindre de maux de tête. Tous les soirs vers 20h il y a la première ronde. La ronde passe s’aperçoit qu’il n’est pas bien, ouvre la porte, mais sans plus « tu dois avoir une migraine, attend demain matin. », lui dit « non je vais vraiment mal ». Face à ça d’autres détenus qui sont au courant de ce qui s’est passé en promenade ils disent « écoutez ce jeune homme il ne fait pas de cinéma. Il est vraiment malade. Il est tombé, si il vomit c’est vraiment grave donc ça vous coûte rien d’appeler le 18. Au moins vous vous déchargez de ce qui se passe et puis pour son bien ça coûte rien du tout.
Donc à partir de là les surveillants ils refusent d’appeler, le chef des surveillants il dit « non j’appelle rien c’est juste une migraine ».
Deuxième ronde ils voient que c’est un peu plus sérieux. Qu’est ce qu’ils font ? Il est 22h – 23H du soir, entre temps le jeune il n’arrêtait pas de se plaindre. Il criait le pauvre, de ma cellule je l’entendais, « j’en peux plus, ma tête elle va exploser, j’ai mal ! » Donc en fait il agonisait au pied de sa porte, ils ne le prennaient toujours pas au sérieux.
Et donc si je me rappelle bien il y a une troisième ronde, ils lui ont dit « on va repasser », mais en fait ils ne sont jamais repassés. Donc il agonisait dans sa cellule jusqu’à 3h30 ; de ma cellule je l’entendais pleurer.
Normalement il y a une ronde vers 5h, ce jour là bizarrement il n’y a pas eu de ronde.
Ce qui se passe après c’est que le premier problème c’est que le médecin ne l’a pas ausculté donc il n’y a pas eu de suivi. Le deuxième chose les surveillants ce soir là ils ne voulaient pas se prendre la tête ce soir ils s’amusaient, on les entendait rire dans le couloir entre eux.
Et pour finir à 7h du matin, comme tous les matins, on nous ouvre la porte pour nous annoncer si c’était le premier tour ou le deuxième tour. En fait lui il s’est retrouvé allongé devant sa porte, il n’était pas dans son lit. Et normalement à 5h du matin dès qu’ils passent, ils allument la lumière ils regardent juste si on est sur notre lit ou pas. Donc ce matin là à 5h ils ne sont pas passé donc ils n’ont pas pu donner l’alerte.
Donc à 7h du matin, il est allongé devant la porte. La surveillante ouvre la porte, appelle l’intervention pour que d’autres surveillants viennent, et au lieu de rester près de lui et de s’occuper de lui. Elle déclenche l’alarme et madame continue à faire sa ronde comme si de rien n’était.
[…]On est seul en cellule, car on est en division, à la une.
Nous on en a parlé un peu avec tout le monde et on est vraiment choqués. Depuis samedi le soir, ils passent vraiment et sont vraiment à cheval sur la surveillance.

Nous ce qu’on a fait, on a bloqué une heure symbolique pour dire « ça doit pas arriver ».

Au lieu de remonter à 5h en promenade on est remonter vers 6-6h30. Mais bon le mal est fait, donc il y a pas grand chose à faire d’intelligent donc on est remonté.
Il y a une enquête qui est en cours, les policiers sont venus et ils ont interrogé plusieurs personnes ici, des témoins. Ils ont interrogés ceux qui étaient près de lui à la promenade avec les caméras. »
Je voudrais revenir sur ce qui s’est passé à la promenade, quand le chef et le directeur ils ont dit « ramassez moi ça ! », mot pour mot « ramassez moi ça ! » Vous voyez un peu la connotation de ce qu’on est pour eux. « ramassez moi ça ! ».

Ça nous a tous choqué même à l’heure d’aujourd’hui tout le monde en parle. « ramassez moi ça ! », donc on n’est même plus des êtres humains… on n’est même pas des numéros d’écrous on n’est rien quoi. 
Il était en détention provisoire, mais maintenant en France la présomption d’innocence elle existe pas du tout. On n’est pas là pour juger, mais nous en tant que détenus nous ce qu’on a ressenti, c’est que c’était quelqu’un de respectueux, qui prend la tête à personne, qui rigole, un grand sportif, donc qu’il meurt dans cette circonstance c’est vraiment désastreux, c’est grave.
Après il faut imaginer la famille… quand il meurt en prison comme un chien ! Car c’est comme un chien. C’est grave.

Nous ce qui nous a choqué c’est que les majors, ils ont dit qu’il s’était battu en promenade, pour camoufler l’affaire. Pour faire croire que c’était pas leur faute. Mais il est vraiment tombé seul.  On essaye de se mobiliser pour que ça arrive pas aux autres. On essaye de faire bouger les choses à notre niveau. »

Face aux journaux qui ne font que justifier la prison en revenant sur le profil du détenu.
Face aux mensonges de l’administration pénitentiaire qui prétend une bagarre et occulte sa responsabilité.
Face à la justice qui a ouvert une instruction, dont nous savons par avance qu’il n’y a rien à en attendre.
Il est nécessaire que des témoignages comme celui-ci circulent. *
Mobilisons-nous pour briser le silence et l’isolement ! Luttons contre l’enfermement.

* Par le biais de l’envolée par exemple :
43 rue de stalingrad 93100 Montreuil ou envoleeradio@yahoo.fr

vous pouvez aussi nous écrire à contrelenfermement@riseup.net

 

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Témoignage d’un prisonnier incarcéré au CD de Bourg-en Bresse

« Les embrouilles qu’ils m’ont fait c’est suite à un truc qui s’est passé en cours de promenade. C’était un matin, il y avait du monde, on était plusieurs. Et il y a eu un mouvement, il y a eu des projections [2]. Ils ont cru que c’était moi qui avait récupéré la projection. Ils m’ont amené direct au mitard de force, j’ai dit que c’était pas moi et ils ne voulaient rien savoir, seulement trois jours après ils m’ont fait passer au prétoire [3], et là t’es devant eux tu t’expliques, ils regardent les caméras, et à ce moment là ils ont vu que je n’avais rien à voir dans cette histoire. En fait la personne n’était pas identifiable parce qu’elle s’était dissimulée. Les chefs voulaient que quelqu’un paye sur ce coup là, et dès que je suis revenu en bâtiment, on m’a dit que j’étais déclassé. J’ai demandé pourquoi, j’ai lu leurs raisons, et c’est pas valable, ils peuvent pas me déclasser par rapport à un truc qui s’est passé en promenade. Le chef m’a dit “bein on fait comme on veut”, en gros je te fais payer. Ils ont utilisé ce truc, qui était sur le rapport, alors que quand je suis sorti du mitard j’ai eu une levée de prévention, c’est à dire qu’ils n’avaient rien contre moi parce qu’il y avait un vice de forme, ils ont dû annuler toute l’histoire. Et après ils m’ont fait chier, par exemple ils m’ont refusé les permissions de sortie que j’ai demandées, pour des motifs à la con, ils m’ont dit que ça ne faisait pas deux mois que j’étais sorti du mitard. Normalement tu dois attendre un mois, mais là ils me l’ont refusée pour ce moif. La fois suivante, deux mois après [4], ils me l’ont encore refusée parce qu’ils ont dit que c’était une commission où ils disaient combien de RPS [5] j’avais et que je pouvais pas faire une demande de perm en même temps. Apres je me suis renseigné, ça n’a rien à voir ! Tous ces papiers je les ai gardés, même si ça sert à rien. Là, ça fait 6 mois que j’attends pour ma demande de conditionnelle, pour rien ! Il y a deux mois de ça je suis passé devant ma SPIP [6], elle m’a dit qu’elle allait me faire passer en commission pour le bracelet, ça fait un an que je suis prêt au niveau des dossiers, j’ai tout ce qu’il faut ! J’attends, et puis elle me dit que non finalement elle va me faire passer à la prochaine commission. Et là ils m’ont refait pareil, ils repoussent encore et encore. C’est pareil pour plein de gens, ils repoussent tellement qu’à la fin ça sert à rien. C’est un peu complique tous ces trucs, mais en fait le bracelet ça vaut le coup s’il te reste une longue peine. Mais s’il te reste seulement quelques mois, le temps qu’ils fassent leurs dossiers, que tu leur donnes les papiers etc, ça vaut même plus le coup, tu sors libérable et voilà. Parce que quand t’es dehors avec un bracelet c’est des contraintes super fortes, par exemple faut que t’ailles bosser et si t’arrives en retard ils peuvent te remettre dedans pour ce simple fait, il y a un tas de trucs super stressants. T’as pas de liberté dans ces conditions, au moindre truc faut les appeler pour leur dire qu’il y a ci ou ça, que tu vas être en retard, s’il y a un bouchon ou quoi, c’est la vie quoi ! Mais la non, ça sonne à la maison, la police vient te chercher et tu finis en prison ! En fait ça va vite. Par exemple moi j’avais trouvé un patron il y a un an, mais eux ils nous font poireauter, bein au bout d’un moment ça tient plus, il n’y a plus de patron et voilà. Ils ont leurs têtes, et puis ça tient aussi aux juges d’application des peines. Mais bon en général c’est la merde, la réinsertion on la fait tout seuls. Moi j’avais ce qu’il faut pour une conditionnelle, mais je sortirai à fond de peine, et voilà. Là dernièrement, ils m’ont mis en régime fermé [7] sous le prétexte que j’avais menacé un surveillant. Ils m’ont laissé trois semaines en régime fermé, et j’ai aussi fait 8 jours de mitard pour cette histoire. Après le mitard, ils m’ont remis en régime fermé ! On était à deux en cellule, et à un moment ils nous ont dit que le sport avait été supprimé. Franchement, quand on a appris ça avec mon collègue on a foutu le bordel, et ça a eu des résultats. Ils nous ont fait sortir du régime fermé, ils nous ont remis en détention ordinaire. Des fois quand tu fous le bordel ils te cabossent, mais des fois ça paye. Ils prennent la température, ils veulent voir si t’es vraiment énervé ou pas. Alors j’ai fini par retourner en détention mais du coup on voit que ça tient pas la route cette histoire de menace de surveillant, parce que dans leur logique, si tu as fait ça, ils ne te remettent pas avec le même. Et là, encore tout récemment, il y a eu plusieurs fois des serrures qui ont été bouchées. Entre chaque aile dans les bâtiments, il y a des grilles de séparation, avec des serrures. Elles ont été bloquées, elles ne pouvaient plus servir. Nous on était en promenade, et quand on est remontés les surveillants nous ont bloqués dans des boxes minuscules où on était entassés, ils ne voulaient pas nous laisser repartir parce qu’il y avait eu ce sabotage des portes. Des gens ont commencé à gueuler, taper dans la porte pour sortir. Et peu de temps après, ils ont pris des personnes, et direct ils les ont amenés en régime fermé. Sinon, il y a aussi des choses à dire par rapport à ce qui se passe ici. Il y a de gros problèmes au niveau des fouilles qu’ils font aux moments des parloirs. En fait ils disent qu’il arrêtent les fouilles [8], mais c’est pas vrai, elles sont de pire en pire. Les fouilles, ils les font vraiment comme ils veulent. Il y a deux boxes, ils sont deux, ils te font passer un par un, à poil, ils te font tourner. Des fois il y a eu des altercations avec des gens, parfois pour rien, des gens se font taper, c’est arrivé à plusieurs détenus. C’est arrivé par exemple à un ami à moi, et ça plein de gens l’ont vu. C’était il y a deux mois environ. Ca se passait au moment de la fouille, donc après le parloir. Ils ont pensé qu’il avait quelque chose, lui disait qu’il n’avait rien, donc ils ont appelé leurs collègues, leurs renforts là, comme ils font tout le temps. Et là ils ont voulu mettre leurs mains là où ils n’ont pas à le faire, et c’est parti en cacahuètes. Ils ont tapé une alarme et ils sont venus à 15, 20, ça va vite ! Après ils sont sensés faire une fouille avec un brigadier, un chef, et après ils l’ont monté au mitard, pour le fouiller là bas. Et là ils ont vu qu’il n’avait rien, ils l’ont tapé tapé et tapé, et ils l’ont laissé 10 jours là bas. Il faut préciser qu’au mitard il n’y a pas de chauffage, et que quand il est sorti il avait encore des traces de coups. Le médecin est passé vite fait mais mon pote ne voulait pas le voir, et lui n’a pas insisté. A la fin il n’y a rien eu, pas de suite, rien. Après, c’est tout le temps pareil, les surveillants profitent de leur pouvoir. Par exemple maintenant il y a une nouvelle loi qui dit que dans les cellules de mitard il y a un allume cigare, pour qu’on ait du feu. Bein ils nous mettent dans une cellule où il n’y en a pas, alors qu’à côté il y en une dans laquelle ils pourraient nous mettre, mais non. Mon pote est sorti du mitard, il continue à croiser les surveillants qui lui ont cassé la tête, ils ne se parlent pas trop, mais ça va pas plus loin. En fait ils savent aussi qu’ils ont fait une “petite boulette”. Ca se passe souvent comme ça, le mitard est en haut, il n’y a pas de caméras, c’est tranquille pour eux. Quand ça s’est passé il y avait des gens autour qui l’ont vu mais qui n’ont rien fait, et même lui, il lui reste 6 mois à faire, et il va pas faire de vagues autour de ça. En fait il y a plein de gens qui sont dans cette situation ou qui ont vécu un truc comme ça. Je connais quelqu’un d’autre, qui a porté plainte, pareil pour une histoire de fouille suite à un parloir, ils ont pensé qu’il avait un truc, ils ont fait une sale fouille. Mais il n’y a eu aucune suite à cette plainte ! Après il y a aussi des histoires au niveau du sport. C’est les mêmes moniteurs de sport qui se partagent entre la maison d’arrêt et le centre de détention, ils changent les horaires super souvent, ça fait que plein de fois on n’a pas sport. Ca parait tout con mais quand t’a rien à foutre de la journée ce moment tu l’attends vraiment. Aussi ici il y a une surveillante qui est mauvaise comme tout. Elle a vraiment fait des problèmes à plein de détenus, une quarantaine. Plein de gens ont fait des courriers à la direction en relatant sa manière de se comporter, pour qu’elle parte, mais ils s’en foutent, elle est là et voilà. Il y a un climat assez raciste, des surveillants qui ont leurs têtes, certains qui jouent beaucoup le rapport de force.

Au début quand on connait pas la prison, on essaye de pas faire trop de bruit, mais en fait plus on est gentils, plus ils nous mettent au mitard, ils veulent qu’on marche comme des moutons !

Par contre plus on leur fait des crises et plus ils nous laissent tranquilles. En gros il vaut mieux qu’ils te craignent.

un prisonnier 1 Le déclassement est le fait d’empêcher un prisonnier d’accéder aux ateliers de travail ou formations en détention. C’est une punition de l’Administration Pénitentiaire.

2 Les projections, c’est faire passer au delà des murs d’enceintes des objets à destination des prisonniers. C’est interdit, les personnes qui se font attraper en lançant des projections de l’extérieur peuvent être poursuivies en justice pour ce fait, les prisonniers qui se font attraper en récupérant des projections peuvent être poursuivis, à divers degrés, par l’AP.

3 Commission disciplinaire, tribunal interne à la prison qui sert à juger les prisonniers pour les “petites affaires”

4 Même si la persmission est refusée, il faut attendre un certain délai, le temps que la prochaine commission se réunisse, pour faire une nouvelle demande, ce qui rend toutes ces démarches très fastidieuses et longues.

5 Selon des savants calculs, chaque détenu bénéficie de remises de peines automatiques, c’est à dire qu’un certain nombre de jours par mois sont décomptés systématiquement de la peine prononcée. Mais cela peut être supprimé si le prisonnier n’a pas eu le comportement attendu par l’administration pénitentiaire.

6 Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation, travailleurs sociaux de la prison, qui des dires de nombreux prisonniers ne servent à rien, mais devant lesquels il faut quand même jouer le jeu de la réinsertion pour ne pas se faire mettre des bâtons dans les roues

7 En centre de détention, les cellules sont théoriquement ouvertes en journée. Mais dans son art de manier la carotte et le bâton, l’administration pénitentiaire a mis en place des régimes ouverts et fermés, où elle confine des prisonniers ( enfermés en cellule toute la journée ) selon sa volonté, pour les punir et les isoler. Ceci vient s’ajouter à d’autres punitions comme le confinement, le mitard, l’isolement, etc.

8 Jugées dégradantes, humiliantes ou attentatoires à la dignité humaine, les fouilles intégrales systématiques ont été interdites depuis la loi pénitentiaire de novembre 2009.

De fait, elles sont régulièrement pratiquées, soit de manière aléatoire sur quelques prisonniers histoires de mettre la pression à tout le monde, soit de manière généralisée pour une période de trois mois reconductibles quand les surveillants trouvent sur un prisonnier un objet illicite (selon leur règlementation) après un parloir. Plusieurs prisonniers ont fait des recours en justice à ce sujet, et ces fouilles peuvent être des moments de forte tensions entre prisonniers et surveillants.

 

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« Visite en neuroleptie »

 « Allez, j’y vais, comme ça c’est fait ». J’ai honte d’avoir cette pensée, qui pourtant s’incruste avant chaque visite. Plus j’avance dans ce sens, plus je creuse un fossé entre lui et moi.

« Allez, j’y vais, comme ça c’est fait. » Est-ce par obligation ? Par culpabilité ? Avant tout je veux lui montrer par ma présence qu’il n’est pas seul. Pourtant j’ai du mal à y trouver un brin de plaisir.

C’est la fin des vacances scolaires. Je ramène A. au train avant d’aller à l’HP de St Avé. Parfois nous y allons ensemble. C’est dur et grisant d’emmener un enfant dans cet endroit, surtout pour y voir son père.

Horreurs des visites : 14h30. J’ai une demi-heure d’avance. La réponse, je la connais, mais je demande quand même à la blouse blanche si je peux voir E.. Elle me rembarre avec un sourire qui serait censé me faire patienter calmement. Un sourire qui m’énerve. Un sourire qui mériterait qu’elle le ravale et avec en prime son trousseau de clés, ses cachetons et sa bonne conscience. On ne déconne pas avec les horaires ici, bien que le temps semble ne pas exister.

Pour couronner le tout, il fait un temps dégueulasse. Un ton sur ton avec l’ambiance du lieu. Je me dirige vers la centrale de divertissement : la cafétéria. C’est une vraie micro-cité ici. Des panneaux de signalisation comme à l’extérieur, des noms de rue, des trottoirs…. On se croirait presque dans un lotissement où l’illusion du paisible durcirait la croûte sur l’abcès.

Je vais vite me poser à l’intérieur afin de noircir du papier, sinon je vais mal vivre ces secondes qui fabriquent des minutes. Un sablier au ralenti, les grains de sable à l’unité. Par la fenêtre, un coup d’oeil sur le triste spectacle d’une architecture austère, bien pensée, tartinée d’une couche de blanc, véhicules de fonction assortis. Et le teint gris de toutes ces personnes qui errent sur le goudron. Un type, habillé simili-militaire entre, tout sourire aux lèvres et Rangers aux pieds, insigne de sécurité plaqué sur le torse. Il claque la bise à une blouse blanche travestie en serveuse de café dégueulasse.

J’ouvre mon champ de vision. Assis autour des tables, des gens dont les expressions sont diverses, visiteurs, visités. Est-ce malsain de se demander dans quelles veines coulent la chimie distribuée de force ? Sur certains visages, c’est une évidence. La bave blanche séchée aux commissures des lèvres, la salive coulant sur les vêtements, les muscles tellement relâchés qu’ils transforment les âmes en zombies. Et moi qui suis là, avec ma sale gueule en désolation.

Putain de parade des pieds qui traînent, des yeux dans le vide, des corps impatients, ça tourne en rond à en creuser des tranchées, des clopes sur clopes pour faire passer la pilule.

Sur le mur sont projetés les jeux olympiques avec leurs athlètes forts et énergiques. La drogue semble être un point commun. Mais je doute que ces stars aux maillots publicitaires envient le terrain de jeu imposé ici.

À travers la vitre je vois E. arriver, il a excessivement grossi depuis ma dernière visite. Sa démarche est fatiguée, son regard est vif et scotché à la fois. C’est à ses yeux que je peux savoir, sans qu’il ne me parle, qu’il est avec elle.

Nous nous saluons, et décidons d’aller dans la cour pour fumer. Quatre murs dont un, salement amoché d’une peinture représentant une plage. Comme si ça pouvait nous faire rêver. Des tables en plastique sponsorisées par Miko installées en rang et la pluie qui nous tombe sur le coin de la gueule. Pour couronner cette ambiance de rêve, deux caméras observent nos faits et gestes…

au cas où… Je roule sa clope car les médocs lui ont fait perdre toute dextérité.

On échange des banalités, comme souvent. Au bout d’un temps, elles s’épuisent et je ne sais plus où mener la discussion. J’ai du mal à jouer franc jeu car j’ai peur, je filtre mes paroles, je censure mes joies, je m’abstiens de te faire le récit de mes dernières histoires trépidantes, de mes envies, mes projets… Tout ça par peur que mes paroles ne te rabaissent, car j’ai une vie et que je ne peux considérer qu’ici on en ait une. Je censure mes doutes, mes flippes, mes angoisses, mes tristesses car je me dis que ce ne serait pas légitime, qu’il faut faire preuve de bienveillance, que mes émotions ne valent pas les tiennes et qu’il n’y a pas de place pour mes failles. Le jeu est faux, ma culpabilité l’emporte. La situation met notre franchise au bas mot. Nos rapports sont construits sur ton histoire et il me faudrait certainement déjouer ce déséquilibre.

Nous rentrons boire un café dégueu, même topo pour la tasse que pour la clope. La dextérité ne suffisait pas, il fallait qu’on lui enlève aussi la force de tenir un objet. Les médicaments l’ont complètement assommé. Tout mouvement lui est pénible, alors la pensée… Même avec des doses excessives de « neutralisants », ils ne l’auront pas eu, ils ne lui auront pas non plus retiré sa moitié, celle qui occupe son esprit et avec qui il partage sa tête. Celle que je connais si peu tellement elle est loin de ma réalité.

Il regarde dans le vide, le rictus au coin des lèvres. Je sens le moment arriver où il va me parler d’elle. J’ai peur, je ne sais pas comment réagir, je pars avec lui ou je fais bloc ?

Ici, c’est la merde, et j’ai hâte de partir. Ça me tord l’œsophage de penser qu’il va y rester. Que s’il ne l’ouvre pas trop, il aura le droit de rentrer chez lui, à condition de venir se faire piquer tous les quinze jours, et que s’il fait un pas de travers, l’UMD (Unité pour malades difficiles) lui est voué, et que s’il y va, il peut dire à son fils « on se retrouve pour tes 18 ans ». Ça me tord l’œsophage de constater qu’une fois encore, ils ont abusé de leur pouvoir, que ces neuf semaines consécutives d’isolement l’ont ravagé et qu’il a fallu remuer ciel et terre pour l’en sortir. Ça me tord le coeur de savoir qu’il y a quelques années, il fut martyrisé à coup de sangles et d’intubations. Ça me fait lever les poils de savoir qu’on nous a proposé de lui faire des électrochocs, histoire de le torturer encore plus… Et surtout ça me fout en l’air de constater que depuis plus de quinze ans la situation est la même et que je me sens plus qu’impuissante.

C’est l’heure des séparations, tout le monde regagne son rang, tout est réglé comme du papier à musique. La musique des pieds qui traînent, des voix sourdes et ralenties, de nos silences interminables. Des bémols accolés aux clés de sol précisant que les notes seront décalées à jamais. La fanfare du trousseau ouvrant la porte d’un enfer que lui seul connaît, le larsen des charnières rouillées fermant les issues. Je me retrouve nez à nez avec une vitre opaque et un tas de sales trucs en tête.

S.

 

Texte paru dans le journal papier Sans Remède n°4, décembre 2012  •  sans.remede@laposte.net 
Vous pouvez trouver ce numéro, ainsi que les précédents, en lecture ou téléchargement sur le site internet sansremede.fr
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10ème suicide ou mort suspecte connu(e) en détention en 2013

Le nombre de suicides ou de morts suspectes en prison ne diminue pas. Un suicide ou mort suspecte tous les trois jours en prison, 10 fois plus qu’en milieu libre.

Manquement grave de l’administration pénitentiaire. L’omerta [1] continue sur la réalité des chiffres quant aux conditions et lieu réel du décès.

Maison d’arrêt de Metz-Queuleu Suicide par pendaison d’un homme, 49 ans, en détention provisoire depuis mai 2011 le 24 février 2013

Maison d’arrêt de Bourg en Bresse Suicide par pendaison d’un homme, la cinquantaine, en détention provisoire depuis novembre 2012, et faisait l’objet d’une surveillance renforcée en raison d’idées suicidaires le 23 février 2013

Maison d’arrêt de Paris-la Santé Mort suspecte d’un homme, 19 ans, en détention provisoire depuis 2 semaines le 16 février 2013

Maison d’arrêt de Marseille-les Baumettes Suicide par pendaison d’un homme, âge inconnu le 15 février 2013

Nous exigeons, les familles et proches exigent la vérité de la part de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires afin que toute la lumière soit faite sur ces nouveaux décès.

Les familles et proches souhaitent une vraie prise en compte de leurs souffrances et une aide directe de la part de l’administration pénitentiaire.

Les autorités judiciaires doivent assumer toutes leurs responsabilités sur ces nouveaux décès.

10 suicides et morts suspectes connus depuis le 1er janvier 2013

Nous savons que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. La création de l’Observatoire des suicides et des morts suspectes sur le site prison.eu.org a permis d’interpeller l’opinion publique. www.prison.eu.org/spip.php ?page=rubrique&id_rubrique=68

« L’ensemble des études pointent comme des périodes de particulière vulnérabilité, outre l’entrée en détention, certains moments particuliers : la période correspondant au jugement ; le placement au quartier disciplinaire ; la période postérieure à une tentative de suicide ou à une automutilation. ». Circulaire du 26 avril 2002 NOR JUSE0240075C sur la Prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires.

« Le droit à la vie : il est nécessaire de montrer que l’administration pénitentiaire doit tenir compte de cette obligation dans la mise en place de certaines procédures (quartier disciplinaire, isolement…). ». Conclusion du 20 octobre 2003 du Rapport de la CNCDH sur les droits de l’homme en prison.

Contact Presse : redaction@banpublic.org

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La famille d’un détenu décédé au centre pénitentiaire de Béziers vient de saisir le contrôleur des lieux de privation de liberté après avoir porté plainte.

Le 11 juillet dernier, Sébastien Boucarelle était retrouvé mort dans sa cellule du centre pénitentiaire de Béziers dans des conditions qui demeurent à ce jour incompréhensibles.

« Il n’entrait pas dans les critères d’urgence », a déclaré, laconique, à sa famille la direction du centre pénitencier.

Sébastien Boucarelle était incarcéré depuis mai 2003 après avoir été condamné pour enlèvement, séquestration et extorsion commise avec une arme. En août dernier, sa famille a porté plainte contre X pour « homicide involontaire » auprès du procureur de la République de Béziers, qui a aussitôt ouvert une information judiciaire. Depuis, rien, l’enquête n’aurait pas avancé d’un pouce. Lundi dernier, Luc Abratkiewicz, l’avocat de la famille, a saisi par courrier Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté. La famille, qui accuse l’administration pénitentiaire de négligences, soupçonne désormais la justice de vouloir étouffer l’affaire.

Péritonite aiguë

Retour en arrière. La veille de son décès, le détenu s’était plaint de douleurs abdominales et de vomissements d’une extrême violence. Selon un collègue de prison, l’estomac de Sébastien Boucarelle avait changé d’aspect et était bien plus volumineux que d’habitude. Après avoir été ausculté par le médecin du centre pénitencier, le détenu avait été transféré au CHU de Béziers. Là, à la suite d’examens manifestement insuffisants, le patient a été renvoyé en détention sans que l’on s’aperçoive qu’il souffrait d’une péritonite. De retour au centre pénitentiaire, le détenu aurait été remis dans sa cellule, sans surveillance particulière, avec un traitement des plus sommaires : du Spasfon et du Doliprane.

Le lendemain matin, Sébastien Boucarelle se serait plaint dès l’ouverture des portes de sa cellule, à sept heures, au surveillant d’étage de douleurs d’une violence inouïe. Deux heures plus tard, il a réitéré sa plainte au même gardien. Puis encore à 11 h 45 au surveillant qui lui apportait son repas. C’est ce même gardien qui a découvert le détenu sans vie, à peine une heure plus tard, au moment où il revenait chercher le plateau-repas.

Le détenu est décédé d’une péritonite aiguë. Décrit comme calme, le détenu avait repris ses études en prison. Sa fin de peine était prévue le 21 septembre 2016.

 A lire et à écouter aussi : http://www.francebleu.fr/infos/prison/la-famille-d-un-detenu-du-gasquinoy-beziers-tente-de-relancer-l-enquete-sur-son-deces-en-prison-358847

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Lettre de Xavier Valancker, alors détenu à la prison d’Annoeullin, 02.12.12 (G.EP.)

Ici ça tient, 58e jour de cachot et aucune assurance de départ. C’est une guerre d’usure. Je suis physiquement mais le mental tient bon. […] Je te rejoins lorsque tu dis que la trame relationnelle est capitale, nous existons et survivons grâce à l’attention que vous nous portez, ce n’est pas une question de courage nous concernant, c’est tout simplement une lutte pour la vie, pour ne pas être phagocyté par ce système aliénant tentant de nous priver de ce libre-arbitre qui est notre essence même. Nous sommes coupables de vouloir préserver notre identité dans le contexte malsain déjà décrit. M. me confiait encore récemment les réveils en sursaut suite aux cauchemars découlant du traumatismes. Je peux parfaitement assimiler cela car on se sort pas indemne d’une telle situation. Les stigmates sont définitivement imprimés. Je partage sa souffrance, c’est mon frère de misère.

Je serai heureux de quitter ce cloaque savoir écopé d’une peine supplémentaire et en évitant les coups physiques, procédé tellement usuel en ce lieu. […] J’en ai le cœur serré mais c’est l’unique moyen de me préserver, de quitter cette place dangereuse axée sur la punition industrielle, où l’être n’est ni plus, ni moins qu’une marchandise, un article du stock humain disponible. […]

Je passerai demain au prétoire pour non-réintégration de la fosse septique (sceptique?!) Comme de coutume, il s’agira d’un prétoire-fantôme, récusant la légitimité de leur instance d’opérette où l’avocat a un rôle fictif. Ce fera la sixième fois. Intervient le jour où l’expression est superflue, où le dialogue se transmue en deux monologues parallèles, ceci n’étant que le point de rupture. J’ai franchi un point de non-retour, me dégageant de leur emprise en intégrant la structure disciplinaire, devançant leur souhait de nuisibilité, la longueur de leur bras répressif étant insuffisante pour me maintenir la tête sous l’eau, je réemergerai par ailleurs, leur lac administratif étant si vaste ! C’est une méthode qui en vaut une autre. Demeurer ici, c’est moisir sur le long terme pour finalement leur appartenir par renoncement, soumission ou atonie. Je récuse cette prise d’otage officieuse mais pourtant effective.

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LETTRE DE NABIL ( Detenu au CD de Roanne ) et une lettre de ses proches

Voici la copie d’une lettre écrite début février 2013 par un prisonnier du centre de détention (CD) de Roanne à la Direction Interrégionale des services pénitentiaires (DISP), dans l’objectif d’être transféré.

Voici en plus une lettre ouverte rédigée par certains de ses proches.

Sa situation semble très dûre, typique de punitions exemplaires que sait infliger l’AP aux prisonniers qu’elle a dans le collimateur.

Elle complète malheureusement les lettres, infos et témoignages que nous avons relayés ces derniers mois : à Roanne, des prisonniers ont protesté de diverses manières contre ce qui se passait en détention, et n’ont semble-t-il jamais été écoutés…

L’ administration pénitentiaire a préféré mettre en place un climat de tensions, pressions et représailles diffuses à l’intérieur…

Afin de saper toute volonté d’ouvrir sa gueule ? (voir à ce sujet de nombreux articles, notamment sur le site http://lenumerozero.lautre.net ou dans les numéros 33 et 34 du journal L’Envolée) Espérons que cela ne marchera pas. Que lui, comme les prisonniers qui se bougent en général, et qui sont souvent durement réprimés, seront soutenus, entendus…

Ne les laissons pas tous seuls face à l’AP !

Espérons aussi que dans ce climat, les autres prisonniers sauront être solidaires et ne le laisseront pas isolé.

N’hésitez pas à le soutenir (nous pouvez transmettre son adresse sur demande : emissionpapillon@riseup.net)

 Lettre de Nabil (début février) :

«  A l’attention du directeur de la Direction Interregionale des Services Pénitentiaires. Monsieur le Directeur, Je viens à vous une nouvelle fois, pour vous donner des informations sur mes conditions de détention et réitérer ma demande de transfert qui devient une urgence, une question de vie ou de mort ! Il y a un an et demi que je suis arrivé au CD de Roanne, ce qui devait m’aider dans mon projet professionnel, social et d’exécution de peine. A mon arrivée on m’a tenu le même discours. Avant d’arriver à Roanne, j’avais un projet professionnel et un logement, j’ai suivi les exigences du suivi socio-judiciaire qui m’est imposé, je n’avais aucun rapport d’incident. Il m’a fallu attendre un an avant d’avoir ma première permission employeur de 6 heures, soit deux ans après la possibilité de déposer une permission. Depuis je n’ai plus eu de permission et aucune aide ne m’a été apportée. J’ai perdu l’emploi que j’avais trouvé, un employeur ne peut pas attendre trois ans un employé. Mes proches et moi-même, nous vous avions alerté sur ma situation dès mon arrivée à Roanne, et depuis ce que nous craignions s’est produit et je me retrouve à ne pouvoir mener aucun projet à bien. De plus, dans l’étrange climat existant au sein du CD de Roanne, je subis acharnement et pressions, qui d’ailleurs compromettent gravement ma santé. J’ai perdu une vingtaine de kilos, je suis sujet à des insomnies qui peuvent durer plusieurs jours, je suis sujet à des angoisses, vertiges, malaises vagaux, migraines, douleurs dorsales violentes et incurables selon le médecin, ma vue baisse de jour en jour et mon état psychologique en est gravement menacé, vivant chaque jour dans la peur de vos agents qui me semblent chercher à m’assassiner. Lors d’un entretien après un rapport d’incident le 14 novembre 2012, pour différentes clés USB (ndlr : la possession de clés USB est interdite en détention) sur lesquelles on pouvait trouver de la musique et différentes émissions de radio, dont une qui parlait d’une plainte déposée contre la maison d’arrêt de la Talaudière concernant les conditions indignes de détention de cette maison d’arrêt, plainte encore en cours actuellement (ndlr : nabil a déposé plainte en mai 2011 contre la maison d’arrêt de saint-étienne au sujet des conditions de détention), Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, en la présence de Monsieur Arnoud, major du bâtiment D du CD de Roanne, m’a interpellé à ce sujet et m’a très clairement fait comprendre qu’ils n’aimaient pas ces manières de faire, me menaçant par ces termes : « Vous pouvez être un chien enragé, nous serons des loups avec vous !». Sur quoi j’ai demandé si c’était des menaces, à quoi il a répondu : « Non, une promesse ! ». Je crois que les mots sont dits et que l’on veut me faire payer cher mon comportement vis-à-vis de ma plainte de la Talaudière. Depuis je subis des fouilles régulières, tous les quinze jours en moyenne, mes courriers me parviennent avec un retard pouvant aller jusqu’à un mois, de nombreux de mes courriers sont censurés sans raison valable et sans que l’on m’en donne connaissance. Le 15 janvier 2013, une fouille de cellule est organisée par Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, mes courriers sont fouillés, certains me sont confisqués. Le 16 janvier 2013 à 15h30, je suis placé à l’isolement pour une durée de 3 mois, pour des raisons confuses et obscures. Le soir même à 18h45, voyant que les surveillants ne m’ont pas remis mes affaires, surtout de quoi écrire et de quoi fumer, j’appelle à l’interphone. Un agent me répond d’un ton menaçant et me disant que j’attendrai demain, ne voulant pas attendre et à bout d’une journée difficile, je m’entaille le poignet à deux reprises, le surveillant intervient, reste derrière la porte et me dit de lui montrer mon poignet, ce que j’exécute. Sa réponse est que je peux attendre demain. (Après avoir vu le médecin, ça sollicitera trois points de suture). Voyant que le surveillant ne veut rien entendre à ma détresse, je m’ouvre le torse à deux reprises, ce qui sollicitera l’intervention du brigadier qui décidera de me donner mon tabac et de me faire voir à un médecin, médecin que je verrai à 20h45. Soit deux heures après m’être entaillé de 15 points de suture. Je ne récupérerai mes affaires que deux jours plus tard. Le 30 janvier 2013, je passe en commission de discipline pour les clés USB et de la résine de cannabis. Je suis placée suite à cette commission de discipline pour six jours au quartier disciplinaire (mitard). Le 2 février 2013, j’avais parloir à 14h avec Melle… Parloir auquel j’avais droit, et accordé par Madame Petit, directrice adjointe du CD de roanne. A la grande surprise de mon amie et moi-même, ce parloir a été supprimé. Mon amie, qui s’était déplacée d’une centaine de kilomètres, s’est vu refuser le parloir à son arrivée. Voyant que l’heure tournait et que je n’avais toujours pas mon parloir, j’ai appelé le surveillant, qui m’a répondu que je n’avais pas de parloir aujourd’hui. Il a fallu que je menace de foutre le feu à la cellule ou que je me suicide pour voir un brigadier, après lui avoir expliqué la situation et avoir insisté longuement sur mon droit. Après s’être renseigné et après vérification de prise de parloir, le parloir a été accordé au deuxième tour (15h45). C’est l’une des nombreuses attaques portées contre mes proches et moi. Le 4 février 2013, je sors de cellule disciplinaire. À mon arrivée en cellule au QI, je découvre ma cellule en désordre, preuve d’une fouille survenue en mon absence, du café et divers produits dont j’ignore l’origine ont été déversés sur le sol et mes serpillières m’ont été retirées de la cellule, il m’a fallu en réclamer une que l’on m’a prêté jusqu’à midi ! Je n’ai répondu à aucune attaque sur ma personne. Le 5 février 2013 on me restitue ma chaîne hi-fi après vérification de cet objet. Cette chaîne hi-fi est constituée de 3 enceintes, deux seulement me sont rendues et en présence du surveillant qui me le remet le fait constater et fait constater le fonctionnement, hors le fonctionnement n’est pas bon et la chaîne hi-fi ne fonctionne que partiellement. Je la fais renvoyer par le surveillant l’ayant amenée afin d’avoir réparation. Comprenez Monsieur Le Directeur que je ne pourrai tenir longtemps dans des conditions de détention dignes de la torture. J’ai peur que vos agents m’assassinent, un jour où ils auront été trop loin dans leur torture et que j’aurais réagi. Car je vous préviens aussi que pour l’instant je n’ai pas réagi, à aucune provocation de vos agents. Mais lorsque je me serai décidé à réagir se sera par la plus grande violence, je préfère mourir en me défendant, plutôt que de subir plus longtemps de telles tortures. Dans l’immédiat je vous demande mon transfert dans les plus brefs délais, surtout avant que la situation n’échappe à tout le monde. Ma mère a de gros problèmes de santé (cardiaques), je vous prie de prendre en considération cet élément dans votre affectation de transfert me concernant. Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, veuillez agréer mes salutations.  Nabil CHAKIK» —————————————————

Une lettre ouverte de la part de proches de Nabil : 

Le 12 février 2013, Nous avons écrit à de multiples reprises l’administration pénitentiaire au sujet de la situation de notre ami Nabil. Sans jamais aucune réponse ni réaction. Alors, nous adressons cette lettre à toute personne qui voudra bien la lire et la relayer, en espérant que cela permettra de faire savoir comment l’AP s’acharne sur lui et de faire évoluer sa situation. Nous avons bien conscience que son cas n’est pas unique et souhaitons bon courage à tous les détenus subissant ce genre de choses, et à celles et ceux qui les aiment ! Depuis des années, nous avons pu observer à quel point l’incarcération est destructrice. Nabil avait pourtant un parcours carcéral qui semblait plutôt « normal ». Après d’autres incarcérations qui avaient été plus « tumultueuses », il faisait tout pour éviter les soucis avec l’AP (et pourtant c’est parfois difficile!). Il faisait des projets de sortie dans lesquels nous le soutenions : il souhaitait demander une libération conditionnelle pour mener à bien un projet de maraîchage. Ensemble, nous lui avions trouvé un logement et un employeur. Il n’a jamais été soutenu par les juges, SPIP, etc. et n’a obtenu que des refus. Ce qui est profondément déprimant et révoltant. Depuis des mois, il subit ce qui nous semble être un acharnement particulier, une situation de plus en plus hardcore. Certains surveillants lui mettent régulièrement la pression, voire le menacent. Il subit des fouilles répétées que nous qualifions de harcèlement. Quelques objets trouvés lors de ces fouilles (Lettres ? Clés USB ? Une machine à tatouer bricolée ??? …) semblent avoir finalement fourni le prétexte d’un placement à l’isolement. Notre ami est au fond d’un couloir dont on a l’impression qu’on n’atteindra jamais le bout, on nous éloigne de plus en plus, de jour en jour. C’est intenable. Au quartier d’isolement, il est enfermé en cellule toute la journée, seul, sans voir personne, sauf les surveillants, quelques fois dans la journée. Il voit de temps en temps le personnel médical. Qui ne semble d’ailleurs « pas inquiet » quand une personne qui pèse aujourd’hui 51 kilos en a perdu 15 au cours des derniers mois, quand une personne en est venue à sa taillader le torse pour qu’un surveillant lui restitue ses affaires alors que c’était son dû. Il est en isolement strict, il n’a le droit de parler à personne, de voir personne. Il a accès quelques heures par jour à une « salle d’activité »… où il n’y a pas d’activités pour une personne seule ! Il y a un babyfoot, histoire de lui rappeler à quel point il est seul ! L’accès à un livre de bibliothèque est compliqué par des procédures extrêmement complexes puisqu’il n’a pas le droit de voir le bibliothécaire. La « cour de promenade » semble être une farce : un minuscule carré de quelques mètres aux murs très hauts et plafonné de grillages. Il refuse d’y aller. Quoi de plus compréhensible ? Ce n’est pas un endroit pour prendre l’air. Il ne peut pas se procurer le minimum vital : les mandats que nous lui envoyons mettent dix jours à lui parvenir. Comme la plupart de nos lettres. Heureusement, les parloirs sont maintenus (même s’ils se déroulent dans des cabines spéciales, minuscules, avec dispositif de séparation et avec toute une mise en scène ultra sécuritaire quand il y est amené, heureusement qu’on en rit !). Quand il arrive au parloir, il a du mal à parler car il ne parle plus de la journée, avec personne. (Sauf quelques surveillants, trois fois par jour.) Ces moments sont extrêmement précieux pour lui et pour nous. A trois reprises des surveillants ont posé des soucis pour l’entrée au parloir. Ils lui ont dit, ou ont dit à la personne venue le visiter, qu’il n’avait pas de parloir, que le rendez-vous n’était pas inscrit, ou annulé. Ce qui était faux. Nabil a du insister à chaque fois, étant persuadé qu’il avait bel et bien un rendez-vous et qu’il y avait droit. Nous n’avons pas compris pourquoi cela s’était produit. Mais ce que nous savons, c’est que ces parloirs sont les seules choses qui le rattachent au monde, ils sont vitaux pour lui, mais aussi pour ceux et celles qui l’aiment. Le priver de cela, c’est vraiment tenter de lui faire péter les plombs. Notre ami nous a dit pour la première fois qu’il avait peur des surveillants, nous prenons ça très au sérieux. Certains l’ont provoqué, menacé, essaient de le pousser à bout. Ils profitent de sa situation : complètement isolé face à eux, comment se défendre et être soutenu ? Il nous semble que certains surveillants cherchent des personnes à punir, coûte que coûte, suite aux évènements survenus dans cette prison. Est-ce que Nabil est une cible idéale parce qu’il a porté plainte contre la maison d’arrêt de La Talaudière ? Parce qu’il a parfois écrit publiquement au sujet de la prison et de ce qu’il en pensait ? Parce qu’il exprime parfois ce qu’il pense un peu fort en détention ? Nous partageons ses positions et avons compris à quel point c’était dangereux, mais vital, d’exprimer son avis en prison, de ne pas toujours se laisser faire. Pour l’instant, Nabil a réagi avec les mots et exigé que les droits lui soient appliqués « normalement ». Quand il s’est senti poussé à bout, il s’en est parfois pris à lui-même pour exprimer sa protestation, ce qui est inquiétant. Mais c’était un moyen de ne pas réagir directement aux provocations pénitentiaires. Nous nous sentons parfois bien seules et impuissantes face à cette situation, alors nous pensons à tous ceux et toutes celles qui subissent pareil, voire bien pire. Nous ne baisserons pas les bras. Nous espérons que d’autres (amis ou inconnus, de dedans ou de dehors…) seront solidaires. Son avocat a déposé un recours au tribunal administratif afin de le faire sortir de l’isolement. »

Des proches de Nabil .

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