A la mémoire de Jawad Zaouiya

Rappel :

OUZE ANS que ce père attendait cette décision de justice. Douze ans que Salah Zaouiya tient droit, debout, auprès de son épouse anéantie par la dépression, pour faire reconnaître la responsabilité de l’Etat dans la mort de leur fils de 19 ans, Jawad, en 1996, dans l’incendie d’une cellule à la prison de Bois-d’Arcy.Le Conseil d’Etat a donné raison à la famille, mercredi 17 décembre, à l’issue d’une longue bataille judiciaire. « C’est fini. Je suis ému. On m’avait toujours dit que je me battais contre un mur. Il est tombé. Le combat continue pour les autres détenus », a confié M. Zaouiya.

Jawad avait été placé le 12 juillet 1996 en détention provisoire, à la suite d’incidents avec des policiers dans son quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Il partageait une cellule de 9 m2avec deux autres détenus. Le 23 juillet, en pleine nuit, l’un d’eux a déclenché un incendie. Il était 1 h 20. La porte de la cellule n’a pu être ouverte qu’à 1 h 35. Quand le SAMU est arrivé à 2 h 05, Jawad et son codétenu incendiaire, asphyxiés, étaient morts depuis au moins 25 minutes.

En 2004, le tribunal administratif de Versailles avait reconnu la faute de l’Etat : «L’administration a fait courir à Jawad Zaouiya un risque spécial qui l’a privé d’une chance de survie. »

En 2006, la cour administrative d’appel de Versailles avait confirmé la responsabilité de l’administration et accordé une indemnité de 15 000 euros aux parents. La cour avait invoqué l’ « ensemble de circonstances à caractère fautif », responsable de « la perte d’une chance de survie » de Jawad.

Le Conseil d’Etat a validé toute l’appréciation des faits et le raisonnement tenu par la cour d’appel, et rejeté le pourvoi du ministre de la justice, Pascal Clément.

Le « danger provoqué par la combustion des matelas en mousse », comme « la fréquence des incidents provoqués par des détenus enflammant leur matelas, étaient connus de l’administration pénitentiaire sans que celle-ci ait mis en oeuvre de dispositions préventives appropriées » souligne l’arrêt.

Sont aussi en cause, l’absence d’aération de la cellule et « l’impossibilité pratique et matérielle pour le surveillant de nuit d’accéder rapidement au matériel de lutte contre l’incendie ». Ce n’était pas, comme M. Zaouiya l’a souvent entendu de la part de l’administration depuis douze ans, « la faute à pas de chance ».

Nathalie Guibert ( libération )
 
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