Présenté comme « la prison la plus sûre de France », le Centre Pénitentiaire d’Alençon – Condé sur Sarthe (61) comprend un quartier situé en dehors de l’enceinte et actif depuis février 2013 pour les peines aménagées (pour 45 détenus en fin de peine ou en semi-liberté), et, surtout, les trois quartiers de la Maison Centrale (MC), actifs depuis fin avril. Là, architectes et bureaucrates de l’Administration Pénitentiaire se sont appliqués. La MC est divisée en trois quartiers, chacun complètement indépendant et coupé des autres, avec sa propre cour de promenade, son propre terrain de sport, ses salles d’activité, son atelier de travail, etc. Comme trois petites prisons de 68 places chacune (encore divisées en 4 sous-groupes de 17 cellules), ce qui devrait permettre aux matons de circonscrire plus facilement ce qu’ils appellent les « incidents », c’est-à-dire les révoltes.
Début 2014, il y a quelques 70 prisonniers (sur 204 prévus) dans la MC, tous avec de lourdes condamnations et des précédents de révoltes, très souvent loin de leurs proches et isolés avec une discipline particulièrement dure qui ne peut qu’exacerber leur situation.
Chacun des détenus de la MC est enfermé pour la majorité de la journée dans une cellule individuelle : une situation constante d’isolement. L’isolement systématique des détenus jugés « dangereux » est en train de devenir la norme, en France comme dans d’autres pays, notamment les USA. Et la MC d’Alençon est une première dans l’Hexagone. Un « honneur » pour son directeur, André Breton, et ses 177 matons (qui devraient être 206 quand toutes les places de prisonniers seront occupées). Un beau succès pour le maire et député PS d’Alençon Joaquim Pueyo, sponsor du projet. Et Pueyo est quelqu’un qui s’y connaît en murs et barreaux : le long de toute une vie de bureaucrate au sein de l’AP, il a été entre autres directeur des taules de Fresnes, Rennes, Fleury-Mérogis et Bois d’Arcy.
On remarque clairement que la volonté affichée de réduire le nombre des détenus en France (avec leur fameuse réforme pénale) est un leurre. D’un côté la réforme pénale ne fera qu’élargir la prison au-delà des murs, avec toute une panoplie de contrôles (comme le bracelet électronique, des suivis judiciaires et autres « aménagements de peine »). De l’autre côte, la construction de nombreuses nouvelle prisons, de plus en plus « sûres », montre la volonté du pouvoir de continuer à enfermer toujours plus, en essayant en même temps de briser définitivement toute volonté de révolte. Par exemple, une prison du même type que celle d’Alençon est en construction à Vendin-le-Vieil, prés de Lens (62). A partir de cette année y seront enfermées 238 personnes.
Mais les prisons ne poussent pas toutes seules comme des champignons. Que dire de ceux qui ont imaginé et construit ces bâtiments faits pour broyer des personnes et empêcher toute révolte ? Les architectes qui ont conçu celles d’Alençon et Vendin-le-Vieil (archi5) sont habitués à dessiner des prisons : en gros, un projet sur dix parmi ceux qui sortent de leurs bureaux concerne une taule. Et pour les travaux, voilà d’autres experts : Bouygues ! L’entreprise mandataire (celle qui effectue le gros des travaux et qui sous-traite quelques travaux secondaires, souvent à ses boîtes-sœurs) est Quille, du groupe Bouygues. Les mêmes qui ont construit les taules de Nantes, Lille – Annoeullin et Réau. Les mêmes qui ont construit pas mal de prisons pour sans-papiers, comme au Mesnil-Amelot. Les mêmes qui, à travers une autre filiale, Thémis FM, gèrent des taules (entretien et manutention des bâtiments, bouffe, buanderie, cantine, travail des détenus…). C’est le cas à Réau, Lille – Annoeullin, Nantes, Le Mans – Coulaines, Poitiers – Vivonne, Le Havre – Saint Aubin Routot. À Alençon ce n’est pas Thémis FM qui à gagné le contrat de gestion, mais un autre protagoniste de premier plan de l’enfermement : Gepsa (du groupe GdF-Suez. Comment décrire tout ça, sinon en disant que Bouygues (et Archi5 et Gepsa…) sont des collabos de l’enfermement ? Et de même pour les autres constructeurs ou exploiteurs de taules, comme Eiffage, Vinci, Spie-Batignolle, Sodexo…
Une poudrière…
Oui, la prison la plus sûre de France… et pourtant… Encore une fois, on voit que tous leurs murs, leurs bourreaux, leur tentative d’isoler les prisonniers ne suffiront jamais à mater la révolte, individuelle ou collective. Que l’enfermement ne pourra jamais étouffer le désir de liberté.
Déjà en septembre, quand la plupart des cellules de la Maison Centrale d’Alençon étaient vides (là il y avait encore « seulement » 70 détenus), des prisonniers se sont révoltés contre la stricte discipline qui y règne.
À la mi-septembre, un détenu a voulu en découdre et a jeté de l’huile bouillante sur des surveillants.
Deux semaines plus tard, un autre prisonnier a riposté à la provocation d’un maton, qui voulait le fouiller après la promenade, en l’envoyant, avec un collègue, à l’hôpital.
Le 16 décembre une vingtaine de détenus se sont rebellés, demandant de pouvoir librement circuler d’une cellule à l’autre pendant la journée, comme c’est le cas dans d’autres MC.
Le 30 décembre, pendant quatre heures, deux prisonniers ont pris en otage un maton à l’aide d’un couteau artisanal. Ils voulaient être transférés ailleurs. Mais la réponse de l’AP a été l’envoi des gorilles surarmés de l’Équipe Régionale d’Intervention et de Sécurité (ERIS) et celui de la Justice… encore de la taule. En effet, les deux prisonniers ont étés jugés le 8 janvier par le tribunal correctionnel d’Alençon et ont écopé de huit années de prison supplémentaires.
Mais dedans la nouvelle année commence bien : avec un geôlier envoyé à l’hosto ! Le matin du 2 janvier un officier de la pénitentiaire se fait poignarder par un détenu (avec un poinçon « fait maison »). Apparemment, le choix de ce maton-là n’est pas un hasard, étant l’un des plus détestés (les journaleux parlent même d’une « liste » de surveillants particulièrement haïs !). L’après-midi, les autres prisonniers refusent de remonter en cellule, tout comme ça a été le cas le 31 décembre et le 1er janvier, quand des caméras et du matériel d’une « salle d’activité » sont dégradés pendant qu’un prisonnier court après un maton avec une barre de fer à la main…
Mercredi 8, encore de la tension et une porte cassée.
Le lendemain, un détenu « sonne » à coup de poings un maton, en lui causant une luxation de l’épaule et une dizaine de jours d’ITT.
Vendredi 10 janvier c’est le tour de Fabrice Morot, directeur adjoint de la taule. Un prisonnier qu’il essaie de calmer après les provocations des matons (une énième fouille corporelle) le frappe à plusieurs reprises au dos et à la tête avec un poinçon artisanal (ou un tournevis).
L’AP réagit à cette situation de « tension » par la force, en envoyant les ERIS. Oui, il faut les robocops, parce que les matons ordinaires font face aux prisonniers en révolte seulement quand ils sont à 10 contre un. C’est ce qu’ils disent clairement quand, comme lors de leur manifestation du 18 décembre à Alençon ou du 14 janvier devant la taule de Rennes, il demandent encore plus d’effectifs.
D’ailleurs, les représentants des geôliers (Patrick Gandais et Philippe Devique de l’UFAP-Unsa, le secrétaire régional de FO pénitentiaire, Emmanuel Baudinle, Hervé Lebatard du SPS et Alexis Grandhaie de la CGT-pénitentiaire) se disent alarmés par la situation à Alençon – Condé-sur-Sarthe, ajoutant que « c’est la panique totale dans cet établissement ». Certains d’entre eux craignent que les choses n’empirent (pour eux !) et définissent cette taule comme une véritable « poudrière ».
Eh bien, que la poudrière explose enfin, et les emporte tous, avec leurs murs et leurs barreaux !
Source : http://www.non-fides.fr/?Conde-sur-Sarthe Alencon-Que-laA propos d’archi5
archi5 architectes
48-50, rue Voltaire à Montreuil (93)
Tél. 0148591608 ou 0141722727Les architectes associés :
Laurent Boudrillet
Thomas Dryjski
Bernard Guillien
Jacques Sebbag
Anne Pezzoni
(De gauche à droite : Laurent Boudrillet, Bernard Guillien, Thomas Dryjski et Jacques Sebbag)
(Anne Pezzoni)
Eux et leur trentaine de salariés sont expérimentés en construction de prisons. Ils ont dessiné :
les maisons centrales de Alençon – Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Veil ; avec Quille (groupe Bouygues) comme entreprise mandataire. C’est Bernard Guillien qui a dirigé le projet.
les centres pénitentiaires de Bourg en Bresse, Rennes et Mont de Marsan ; DV Construction (groupe Bouygues) est l’entreprise mandataire.
le centre pénitentiaire de Draguignan (83) ; Vinci est mandataire.
le centre de détention de la Polynésie Française à Tahiti ; avec Vinci.
les travaux de rénovation aux Baumettes, à Marseille ; avec Vinci.
la maison d’arrêt de Rodez (cette fois-ci archi5 perd le concours et leur projet reste sur l’ordi ; c’est le tour de Azèma architectes, en collaboration avec Eiffage Construction).Parmi les 94 projets (réalisés, en cours de réalisation ou en étude) qu’ils mettent en avant sur leur site internet, il y a bien sûr d’autres saloperies, comme :
un commissariat de Police à Mons (Belgique)
le commissariat de Clichy-sous-Bois
le Pôle de Police Judiciaire scientifique à Cergy-Pontoise
le Palais de Justice de Chartres etc…
Philippe El Schenawy obtient enfin une libération sous conditionelle après 38 ans de prison !
Encore quelques jours et il laissera derrière lui le statut de « plus ancien détenu de France » qu’il traînait au fil des publications de presse consacrées à son sort ces dernières années. La libération conditionnelle de Philippe El Shennawy, incarcéré depuis 38 ans, a été approuvée mercredi 22 janvier par le tribunal d’application des peines de Créteil. « C’est un grand soulagement », a déclaré à la presse son avocate, précisant que Philippe pourrait sortir vendredi matin et devrait porter un bracelet électronique pendant deux ans.
Né en Egypte en 1954, Philippe El Shennawy avait été condamné pour la première fois à l’âge de 19 ans pour « vol qualifié ». En 1977, il est condamné à perpétuité pour un « vol à main armée » avec prise d’otage, peine commuée en vingt ans de prison. Evadé deux fois, il accumulait treize condamnations et ne devait théoriquement pas être libéré avant 2032, à l’âge de 78 ans.
Lire : Appel pour le détenu Philippe El Shennawy
TROIS ANS DE LIBERTÉ EN QUARANTE ANS
En 1992, sa libération conditionnelle avait été révoquée parce qu’il s’était rendu en région parisienne avec de faux papiers pour voir son fils, alors qu’il y était interdit de séjour. Au total, depuis 1975, Philippe El Shennawy a passé moins de trois ans dehors. En prison, il a obtenu des diplômes de droit, d’histoire et d’informatique.
Etiqueté « détenu particulièrement signalé » (DPS), il aura vécu dix-neuf ans en isolement, six ans en hôpital psychiatrique, aura changé une quarantaine de fois de lieu de détention, effectué une tentative de suicide et plusieurs semaines de grève de la faim. En janvier 2011, il avait fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour des « traitements inhumains ou dégradants » en prison.
(…)
Selon le journal Libération qui cite son avocate, Philippe El Shennawy commencerait à travailler lundi prochain en tant que « coordinateur de projets dans le milieu culturel ». Il ne sera autorisé à quitter son domicile qu’entre 7 heures et 19 heures en semaine, ainsi que trois heures par jour le week-end.
Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/01/22/philippe-el-shennawy-obtient-sa-liberation-conditionnelle-apres-38-ans-de-prison_4352308_3224.html