Invitée de l’émission « Des Paroles et des actes » sur France 2, Christiane Taubira s’est retrouvée face au témoignage anonyme d’une mère de victime. La ministre de la Justice s’en est sortie avec honneur, mais le procédé de David Pujadas mérite débat : indigne ou pas ? Point de vue de notre chroniqueur Bruno Roger-Petit.
Parfois, il arrive que le téléspectateur éprouve de la honte devant son petit écran. Honte pour ceux qui la font et qui défont une certaine idée du service public de la télévision. Ce fut le cas, ce jeudi soir, lors de l’émission « Des Paroles et des actes », sur France 2, présentée par David Pujadas, et qui accueillait Christiane Taubira, ministre de la Justice. (…)
De ce « Paroles et des actes », l’histoire de la télévision retiendra un passage, un seul. Ce moment où David Pujadas a sorti de sa pochette-surprise le témoignage de la mère d’une victime. Un témoignage anonyme, émanant d’une ombre, exprimant tout à la fois douleur et haine, rage et désespoir.
Que dire, que faire face à un tel témoignage ? De même que Christiane Taubira,on observera ici le même respectueux silence vis-à-vis de la souffrance de ce témoin. En l’espèce, seul le silence est digne. En lui-même, ce témoignage ne sera pas le sujet de ce billet.
En vérité, le sujet, c’est le procédé, ce qu’il dit de la télévision d’aujourd’hui, de ce qu’elle devient, de son inhumanité, de ce qu’elle n’est plus qu’une machine à émotion qui achève, peu à peu, de vider toute raison, toute réflexion de ce qu’elle donne à regarder.
Il ne fait aucun doute que la volonté des organisateurs de ce moment de télévision visait à confronter le discours de Christiane Taubira à la réalité des actes judiciaires.
( A la réalité des actes judiciaires ?? ! en fait ils font dans la même veine que nos politiciens qui nous habituent à fonctionner à l’affect ce que ne sont pas censés faire les médias et les politiciens !!! )
Il ne fait également aucun doute qu’en organisant cette séquence, ce qu’il faut bien appeler un piège tendu à Christiane Taubira, ils ont jugé que l’aspect émotionnel fort, inévitable et inéluctable, allait accoucher d’un moment de télévision d’une intensité incomparable.
( non pas vrai le but de la télé : divertir et jouer avec nos émotions ! )
(…)
Enfin, sauf à être des enfants ou des inconscients, ils ne pouvaient pas ne pas anticiper que, quelle que soit sa réaction, Christiane Taubira n’aurait que son impuissance à offrir en partage à un tel témoignage tant il est impossible de tenir le langage de la raison à celui ou celle qui s’estime victime de la plus grande des injustices (ce qui est, précisons-le, afin d’éviter ici les mauvais procès en insensibilité au malheur injuste, le sentiment le plus naturel du monde).
Une faute grave
Oui, Christiane Taubira ne pouvait que se montrer impuissante face à ce cas extrême, dont la charge émotionnelle balayait toute volonté de rationalité. C’est là, et nulle part ailleurs, que réside le piège dans son caractère le plus odieux : Christiane Taubira ne pouvait pas s’en sortir. Elle ne pouvait offrir que son écoute attentive et son silence respectueux. Ce qu’elle a fait…
Cette séquence est plus qu’une erreur, c’est une faute grave.
De quoi parlait-on dans ce « DPDA » ? De la Justice, de ce qu’elle incarne, de ce qu’elle vise. De droit pénal, de sanction, d’échelle des peines… En politique, c’est la matière qui ne souffre ni passion, ni émotion, celle où s’impose la raison et la réflexion. C’est ce que l’on apprend en 1ere année de droit, quand on débute dans le droit pénal : que la justice est rendue au nom de la société, à raison du tort que le crime ou le délit lui ont causé, et que c’est pour cette raison qu’elle relève de la puissance publique, qui doit agir alors de la manière la plus rationnelle et la plus apaisée qui soit.
Jusqu’à ce « DPDA » d’anthologie, de mémoire de téléspectateur, jamais un ministre de la Justice n’avait été ainsi piégé par un témoignage anonyme, destiné à le mettre en difficulté, par le jeu de l’émotion et de la passion. Jamais.
Si cela ne s’était jamais produit, c’est que la règle posée ci-dessus était respectée : faire en sorte que les débats télévisés portant sur cette matière soient le plus raisonnable possible, quand bien même ils n’excluent pas le choc des idées, comme on l’a vu d’ailleurs plus tard dans « DPDA » avec le choc Taubira/Estrosi.
Un moment de reality show
L’indignité, car il s’agit bien d’indignité, et l’on use ici de ce mot sans craindre de le galvauder, parce qu’il est le plus approprié à la situation, l’indignité donc, de David Pujadas et de ceux qui ont conçu ce moment de télévision est double.
La première indignité, c’est d’abaisser le débat public, de transformer ce qui devrait être un échange honorable, de grande hauteur de vue, en moment de reality show ne jouant que sur l’émotion du téléspectateur.
Quelle idée se font-ils de nous, les responsables de l’information de France 2, pour croire que nous ne sommes que des bêtes de télévision, ne réagissant que par stimuli émotionnels destinés à alimenter nos pires pulsions dès qu’il s’agit de Justice ? Pensent-ils que la ménagère de moins de cinquante ans est une descendante des tricoteuses de la Terreur ?
Voilà pourquoi, tout téléspectateur, soucieux d’assister à une débat serein et équilibré sur les problèmes de justice, ne pouvait que se sentir honteux et piteux devant sa télévision, se voyant aussi mal considéré par ceux qui ont pour vocation de l’informer, donc de l’éclairer.
La seconde indignité, c’est d’avoir fait croire à cette anonyme témoin que la télévision lui offrirait la catharsis tant espérée… Quelle duperie… Quelle tromperie… Quel mensonge… Quel terrible mensonge…
Une triste télévision en 2013
Comme l’a dit de cette personne, avec beaucoup d’élégance, Christiane Taubira, « lui demander de répondre à des question difficiles, c’était sans doute encore ajouter à sa peine ». Avec cette formule, elle a aussi réduit à néant le faible alibi de David Pujadas pour justifier le piège : « Elle a choisi de témoigner »… Que peut bien signifier le verbe « choisir » dans un tel contexte ?
Ainsi va la télévision en 2013… Un petit monde qui ne donne plus à réfléchir mais à rugir… Un petit monde qui n’offre plus à penser mais à hérisser… Un petit monde qui ne s’adresse même plus au temps de cerveau disponible, mais à sa partie la moins civilisée, la plus animale, la plus reptilienne…
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Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/933262-dpda-taubira-piegee-par-un-temoignage-anonyme-l-indignite-de-pujadas-et-france-2.html
Le 19 septembre, Christine en procès à Arras (62) pour ne pas avoir baisser la tête sous les coups des matons
Alors que les prisons ne cessent de se remplir et les taulards de s’entasser dans les cellules (près de 69000 enfermé(e)s pour 57000 places au 1er juillet 2013), les conditions de détention sont toujours plus dures et les raisons de se révolter toujours plus prégnantes.
Si les résistances individuelles ne sont pas rares, ces dernier mois des mutineries ont aussi éclaté dans différentes taules (Bourg-en-Bresse, Blois, Châteaudun).
Face à cela, la réponse des matons et de l’Administration Pénitentiaire reste toujours la même : répression, humiliations, violences, isolement, transferts,…
Jeudi 19 septembre à 13h30, Christine sera jugée par le tribunal d’Arras pour violences et menaces sur des matons de Bapaume. Incarcérée depuis novembre 2012, elle était au CD de Bapaume d’avril à juillet 2013. Le 4 juillet, le tribunal d’Arras avait renvoyé l’audience au 19 septembre, demandant des éléments supplémentaires. Depuis lors (plus de 2 mois), Christine alterne Quartier d’Isolement et Quartier Disciplinaire. Fin juillet, elle est transférée à la Maison d’Arrêt de Lille-Sequedin, où la matonnerie conserve le même cap : maintenir Christine à l’écart des autres détenues. Les enfermeurs auraient ils peur d’une contagion de la révolte ? Fin mai, à Bapaume, Christine est envoyée au mitard après avoir refusé de signer les modalités d’un contrat de formation. Rapidement la situation se corse avec les matons. Face aux provocations, violences et humiliations, elle ne se laisse pas faire, la tension monte et peine à redescendre. A chaque ouverture de portes, ils attendent Christine équipés de casques et de boucliers. Le 27 mai, elle passe au prétoire et prend 30 jours de mitard. Durant ces trente jours, on lui refuse tout appel à son avocat et elle ne verra un médecin que tardivement. Face à cela ainsi qu’aux pressions et provocations quotidiennes des matons, Christine proteste par tous les moyens : œilleton bouché, feux de poubelles, etc… Aux retours des promenades elle fait le forcing pour accéder à la cabine téléphonique puis se débat pour ne être réintégrée en cellule. Dans les derniers jours de mitard, un des matons (Mikael Bocquet) la prend au cou par une clé de bras, la circulation du sang coupée elle perd connaissance et se réveille allongée dans sa cellule. Quelques jours plus tôt ce même Bocquet et deux de ses collègues portaient plainte contre Christine pour violence et menace !!!
Parce qu’en taule, ne pas se laisser piétiner et tabasser signifie outrager, violenter et menacer la matonnerie, Christine passera en procès le 19 septembre pour essuyer quatre chefs d’inculpations : > refus de donner ses empreintes (digitales et photo) > violence pour s’être débattue sous les coups. > menace pour avoir crié à un mastodonte qu’elle lui péterai sa gueule > dégradations pour avoir foutu le feu dans ses cellules et avoir gravé dans les murs de la cour : « MURS PAR MURS, PIERRE PAR PIERRE, NOUS DÉTRUIRONS TOUTES LES PRISONS ! »
Soyons nombreux jeudi 19 septembre dès 12h30 devant le tribunal d’Arras
(place des États Artois), pour soutenir Christine et ne pas la laisser seule face à la justice et sa matonnerie.
Pour en lire plus sur la situation de Christine et sur ce procès en particulier voir ici plusieurs articles: http://rebellyon.info/Christine-au-mitard-proces-en.html http://rebellyon.info/le-4-juillet-christine-en-proces-a.html http://rebellyon.info/Renvoi-du-proces-de-Christine-a.html http://rebellyon.info/Christine-Transfert-a-Sequedin.html