Nous appelons à être présents les 20, 21 et 22 juin 2016 à la cour d’assises d’appel de Grenoble qui va décider du sort réservé à Kamel Bouabdallah, 28 ans, condamné en première instance par la cour d’assises de Valence à vingt-cinq ans de prison.
25 ans !
Kamel a déjà passé plus de 10 ans derrière les barreaux !
Plus d’un tiers de sa vie en prison !
De ses écrits, qui ont traversé les murs, et par sa volonté de dire la prison à toutes et tous, nous avons souhaité que ses mots francs et directs puissent être partagés. Ainsi, le collectif de soutien Kamel-Libre a vu le jour. Nous, amis de Kamel et de sa famille, refusons que lui comme d’autres êtres humains soient condamnés à mourir enfermés.
« La prison mène à la prison. »
Kamel a à peine 15 ans lorsqu’il entre pour la première fois en prison. À partir de là, les peines s’enchaînent et le passage à l’âge adulte s’opère derrière les barreaux. Quand il sort à l’âge de 21 ans, il essaie de se reconstruire en travaillant et en re-découvrant la vie à l’extérieur. Mais c’est sans compter que les traumatismes occasionnés par la vie en prison ne s’effacent pas le jour de la sortie et qu’il est difficile de trouver sa place dans la société après des années d’enfermement.
En mai 2011, avec un complice, il va braquer six commerces avant d’être pris en chasse par la police. Le scooter dérape. Kamel veut fuir… Dans un moment de panique et désespéré, il frappe de la crosse d’un pistolet le policier, avant d’être arrêté.
« À ce moment-là, je préférais mourir que d’aller en prison. »
L’histoire de Kamel et de tant d’autres nous pousse à questionner les rouages de l’univers carcéral et par là-même ceux d’une société qui fabrique l’exclusion. Par notre présence devant le tribunal, nous souhaitons pointer l’absurdité d’une politique qui n’a de cesse d’infantiliser, d’humilier et de torturer celles et ceux qu’elle prétend vouloir ré-insérer.
La justice, au lieu de lui laisser cette prétendue possible ré-insertion, a prononcé en première instance une peine “d’élimination sociale” et elle pourrait même l’aggraver avec une condamnation qui peut aller jusqu’à 30 ans… Aujourd’hui, il n’est pas libérable avant 2036.
« Frustrés de tout, privés à l’excès, humiliés ».
Lors du procès à Valence, ni Kamel ni ses proches n’étaient prêts à une telle mise-à-mort. Ils ne pensaient même pas à la défense possible de leur fils, de leur frère, tant ils imaginaient un système irréprochable, tout du moins juste. Ils n’ont pu que constater à leurs dépends que la parole des proches n’a pas de prise, pas de poids, et que, la plupart du temps, pour les magistrats, elle ne peut être considérée, ni même entendue.
Près de deux ans après, c’est plus forts de rencontres entre les uns et les autres que nous allons accompagner la défense de Kamel. D’une part pour qu’il ne soit pas vaincu d’avance, d’autre part pour briser l’indifférence coutumière dans laquelle se succèdent les procès en assises et la délivrance de tant d’années de peine de prison, de plus en plus longues et de plus en plus nombreuses.
Les peines s’allongent sans cesse, au fur et à mesure des lois qui durcissent le code pénal. Ce ne sont plus seulement les actes qui sont condamnés mais les personnes elles-mêmes. Leur prétendue “dangerosité” est déterminée en fonction de leurs profils socio-judiciaires, de leurs comportements en prison, sur la base d’expertises psychiatriques et d’hypothèses sociologiques ou médicales douteuses… La sortie de prison, plus qu’un parcours du combattant, est un véritable labyrinthe, surtout pour les longues peines : les peines de sûreté (temps pendant lequel il ne sera pas possible pour le prisonnier d’obtenir un quelconque aménagement) qui de la moitié du temps de peine passent à ses deux tiers ; le cumul de peines pour le moindre incident survenu en détention ; les permissions de sortie sans cesse repoussées ; le passage obligé par le centre national d’évaluation ; la libération conditionnelle comme une chimère… Ce que disent habituellement les juges aux jurés sur les remises de peine est faux : celles et ceux qui sont condamnés à des peines de 25 ou 30 ans les purgent dans leur totalité ou presque.
« M’enterrez plus, posez les pelles ! »
Il est dur de rester passif quand on prend acte de la masse de violences et de souffrances qu’engendre l’enfermement, avec comme seules promesses : cellules, coursives, cours de promenades, cachots, transferts, cellules de confinement, quartier d’isolement, services psychiatriques dans la prison et prison dans les hôpitaux psychiatriques…
Le collectif Kamel-Libre appelle à se réunir à l’occasion du procès de Kamel Bouabdallah qui se tiendra du 20 au 22 juin 2016 à la cour d’assises d’appel de Grenoble. Nous pensons qu’il est vital de visibiliser ce procès comme tant d’autres et d’élargir la solidarité auprès des prisonnières et prisonniers longues peines.
« Merci de vous soucier de nous, souillés, laissés rouiller, sans amour et sans lumière. »