Témoignages de prisonnières à la M.A de Seysses

Plusieurs prisonnières du quartier femme de la maison d’arrêt de Seysses (à proximité de Toulouse) ont adressé des courriers aux émissions de radio anticarcérales de Toulouse [1] pour dénoncer le « climat exécrable » qui y règne, les brimades des matons et le silence de la direction.

Certaines d’entre elles ont été jusqu’à la tentative de suicide pour se faire entendre de la direction, certaines sont en grève de la faim au mitard, en vain.

Vous pouvez  écrire à la direction de la prison : Maison d’arrêt de Seysses, à l’attention de la directrice, rue Danièle Casanova BP 85 31 603 Muret Cedex

Tel : 05 61 56 68 68 … ainsi qu’au directeur interrégional des services pénitentiaires : Direction interrégionale des services pénitentiaires, à l’attention du directeur M.Georges Vin, Cité administrative Bât G 2, boulevard Armand-Duportal BP 81501, 31015 Toulouse Cedex 6 Tel : 05 62 30 58 09 … pour appuyer ces prisonnières et bien signifier à l’administration pénitentiaire qu’elle ne peut pas agir en toute impunité. L’AP et ses agents doivent se savoir regardés. N’hésitez pas à écrire et/où à témoigner votre solidarité de quelque manière que ce soit.

Voici les deux lettres écrites par des prisonnières : 

« Seysses, le 10 mai 2013, Incarcérée à la prison de Seysses, quartier femmes, je souhaiterais alerter l’opinion publique sur les conditions de détention qui nous sont infligées. Des exemples concrets de propos diffamatoires, méprisants, condescendants tenus par les surveillantes sont légion. Nous avons alors tenté de prévenir la direction mais il semble que nos courriers n’arrivent jamais dans le bureau, nos lettres étant interceptées par les surveillantes. A bout de nerfs, épuisées par ces conditions de détention rythmées par la répression, les brimades et les pressions, nous avons entrepris aujourd’hui une action afin de tenter de faire bouger les choses. En effet, depuis 10 jours, il y a eu 5 tentatives de suicide au quartier femmes et aujourd’hui, alors que nous avons voulu avoir un entretien avec la directrice, celui-ci nous a été refusé. Après maintes menaces de la part du personnel pénitentiaire, trois d’entre nous, poussées dans leur dernier retranchement ont avalé des cachets, moi-même je me suis auto-mutilée. Ces gestes de désespoir ne traduisent que le climat exécrable qui règne ici. Par ce courrier, nous souhaiterions dénoncer le harcèlement et les pressions psychologiques que nous subissons de façon répétée. Pourriez-vous S.V.P. lire notre courrier à l’antenne d’une part et alerter les médias pour nous. Nous craignons que l’une d’entre nous ne se fasse plus de mal que de raison. Nous vous en remercions. Détenues de Seysses, Quartier femmes. »

« MAF de Seysses, le jeudi 30 mai 2013, Madame, Monsieur de la radio

Je viens à vous pour dénoncer les maltraitances que l’on subit à la MAF de Seysses, que ce soit en tant que spectatrice qu’en tant que persécutée. Tout d’abord, il y a 4-5 jours, une détenue basque espagnole que les surveillantes provoquent très souvent verbalement ! Donc notre collègue détenue Iti a demandé gentiment aux surveillantes de ne pas la tutoyer, que le respect doit être dans les deux sens, enfin voila le ton est monté et 1Iti a été passée à tabac, coups de pieds dans le ventre, etc. De là il l’ont jetée comme un chien au mitard (cellule disciplinaire). Il y fait très froid dans cette cellule, elle a réclamé une couverture et ils ne lui ont pas donné. Aussi, le lendemain Iti a été vue par le médecin à qui elle a fait part qu’elle était indisposée et qu’elle n’a rien, ni serviette ni papier toilette. Le médecin lui a donné de l’essuie-tout, ne serait-ce que pour l’hygiène, et en la remontant au mitard les surveillantes lui ont confisqué l’essuie tout. Iti a fait part de son mécontentement et, hélas, les surveillantes l’ont repassée à tabac. Résultat ils lui ont mis 25 jours de mitard dans des conditions inhumaines, sans hygiène, elle a froid, et pour faire valoir ses droits la pauvre Iti fait la grève de la faim avec une amie qui elle aussi fait une grève de la faim. Et pour les détenues qui ont tout entendu ou qui ne sont tout simplement pas d’accord avec leur façon tortionnaire, les détenues qui font un refus de plateau (de prendre le manger aux heures de repas), les surveillantes nous font comprendre qu’on a pas intérêt, elle nous dissuadent en nous faisant comprendre qu’il vaut mieux pas s’en mêler. Madame, monsieur de la radio il faut faire quelque chose et vous aussi chers auditeurs, auditrices, aidez-nous à ce que les choses changent. Les surveillantes se comportent pire que les détenues, elles nous mettent la pression, l’humiliation, elles jouent avec nous. Par exemple, hier, une maman était venue voir sa fille, et parce que cette vieille dame sonnait au portique à cause de son soutien-gorge – cette dame à même proposé d’enlever son soutien-gorge – malgré ça ils lui ont fait faire demi-tour et rentrer chez elle. Cette dame n’a pas de voiture, elle prend le bus, et la prison est à plus d’1h30 de la ville. Il y a aussi une jeune yougoslave qui a fait une fausse couche et qui n’a pas eu les soins adéquats, il y a aussi une détenue qui a été fouillée abusivement, elle l’a ressenti comme un viol et cela trois fois dans une pièce différente en interrompant son parloir. Je peux citer beaucoup d’autres abus. Nous sommes des détenues, pas animaux ! Il faut sincèrement que l’on nous aide. Nous, on ne peut rien faire du fond de notre cellule. Voilà pourquoi je vous demande de nous aider pour que nos conditions de détentions soient justes. Merci de m’avoir écouté, j’espère que ma lettre va pouvoir nous aider grâce à vous. Merci. »

 

[1] Les collectifs L’Envolée, Bruits de tôle et YO-YO, animent une émission de messages en direct les 1er et 3eme jeudis du mois de 19h à 20h. Et une émission sur la prison tous les jeudis de 19h à 20h sur Radio Canal sud (92,2 FM) et sur internet www.canalsud.net. (prisons couvertes MA de Seysses, CD de Muret, MA de Montauban)

Vous pouvez passer des messages au 0561533695. Vous pouvez écrire à ces collectifs à l’adresse de la radio : 40 rue Alfred-Duméril, 31400 Toulouse.

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Prison: Taubira et son « plan de renforcement de sécurité des prisons »

La ministre de la Justice Christiane Taubira a présenté lundi un plan de renforcement de la sécurité des prisons, qui prévoit notamment le déploiement de nouveaux portiques de détection, à la satisfaction globale des représentants syndicaux.

Partagez cet article sur FacebookPartagez cet article sur TwitterpartagezCe plan fait écho aux manifestations répétées des représentants des personnels pénitentiaires, ravivées par l’évasion spectaculaire de Redoine Faïd de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord), le 13 avril. L’évadé a été repris fin mai.

Une enveloppe de plus de 33 millions d’euros a été débloquée pour financer les mesures, au prix du report dans le temps d’un « certain nombre de travaux d’entretien » dans les établissements et de certains équipements, a indiqué la garde des Sceaux lors de sa présentation du projet aux organisations syndicales et aux cadres de l’Administration pénitentiaire.

Tout en assurant du maintien de l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, qui interdit les fouilles systématiques, Mme Taubira a annoncé un large déploiement de nouveaux portiques de détection. Ils seront notamment utilisés à la sortie des parloirs, des cours de promenade et des ateliers.

Toutes les maisons centrales (où séjournent les détenus les plus difficiles ou condamnés à de longues peines) seront désormais équipées de portiques à ondes millimétriques, contre une seulement aujourd’hui. Ils permettent de détecter visuellement, lors d’un contrôle, tout produit ou objet qu’un individu porte sur lui, y compris lorsqu’ils sont dissimulés entre les vêtements et la peau.

Ces portiques seront également implantés dans les neuf maisons d’arrêt (reliquat de peine inférieur à un an) qui accueillent des « profils sensibles ».

« Avec ce plan, on change d’échelle », a estimé Mme Taubira, rappelant qu’elle avait déjà procédé, depuis son entrée en fonctions, à des recrutements dans le renseignement pénitentiaire et à l’installation de 62 portiques à masse métallique qui permettent de détecter la présence d’un objet métallique sur la personne examinée.

Le plan annoncé lundi comprend la mise en place de 282 nouveaux portiques à masse métallique qui s’ajouteront aux 624 portiques métalliques déjà en place.

En plus des portiques, 393 détecteurs manuels seront également acquis en 2013.

« Un début »

Le plan va aussi renforcer les dispositifs de lutte contre les projections (essentiellement de l’extérieur de la prison vers l’intérieur), qui sont « un fléau depuis plus de dix ans », selon la Chancellerie. Pour tenter d’y remédier, est notamment prévue la mise en place de filets, de vidéosurveillance ou de glacis.

Le ministère annonce aussi la création de deux nouvelles équipes cynotechniques (recherches menées par des chiens et maîtres-chiens au sein des établissements pénitentiaires), qui s’ajouteront au deux déjà existantes.

Parallèlement aux moyens techniques supplémentaires, Mme Taubira a présenté un volet plus axé sur la gestion des ressources humaines et la formation des personnels.

Au menu, la poursuite du développement du renseignement en prison, une harmonisation de la prise en charge des détenus particulièrement signalés (DPS), qui sont environ 300 aujourd’hui en France, ainsi qu’un « plan d’action maison centrale », mesures qui doivent amener une évolution de la prise en charge des détenus et sur le contenu du métier de surveillant.

« C’est déjà un début, avec un budget contraint », a commenté Marc Astasie, secrétaire général de la CGT pénitentiaire, tout en regrettant que le plan ne soit « pas suffisant ».

« Après la mobilisation, il y a des choses qui se mettent en place très rapidement », a salué Jimmy Delliste, secrétaire général du syndicat FO-Direction. Une trentaine de directeurs de prison et de services pénitentiaires avaient manifesté mardi près du ministère de la Justice à Paris.

Premier secrétaire du syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP), Jean-Michel Dejenne a, lui, entendu « un discours un peu contradictoire ». Tout en soulignant que « beaucoup de choses reposent sur l’humain », la ministre n’ a que peu développé cet aspect face aux représentants syndicaux et cadres de l’Administration pénitentiaire. « Les seules choses qui sont précises relèvent de la technologie », a-t-il regretté.

 

Source ( sauf titre modifié): http://actu.orange.fr/france/prison-taubira-va-renforcer-la-securite-avec-notamment-des-portiques-afp_2246876.html
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Permanence pour les proches de prisonnier(e)s

S’ENTRAIDER/ S’ORGANISER

Permanence pour les proches de prisonnier(e)s a Paris, Toulouse et Poitiers

Afin de pouvoir se retrouver, partager ses expériences et s’organiser entre proches de détenus.

Paris : une permanence est ouverte le 2e et 4e dimanche du mois de 15h à

17h au 33, rue des Vignoles paris 20° M°Avron ou Buzenval.

Poitiers : une permanence est ouverte les 3èmes dimanches du mois, de 15h à 17h, au 20 rue Blaise Pascal – 86000 Poitiers.

Toulouse : c’est tous les 1er dimanche du mois de 16h à 20h, au dessus de la pizzeria Belfort, 2 rue Betran
De Born, M°Jeanne d’arc

L’objectif de ces permanences:

S’organiser collectivement face à l’administration pénitentiaire, aux avocats et au système judiciaire

Partager son expérience et les problèmes  auxquels on est confronté(e)
Passer un message de solidarité aux  prisonnier(e)s, faire savoir ce qui se passe dans les prisons et les  tribunaux.

N’hésitez pas à nous contacter, en dehors  des permanences, si vous avez besoin de soutien ou si vous souhaitez  apporter votre témoignage sur la prison et la justice.

Contact paris: contrelenfermement@lists.riseup.net 06 28 91 23 52

Contact Poitiers :  contrelenfermement-poitiers@riseup.net 05 49 88 34 08

Contact Toulouse : perm.juridique@riseup.net

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Des familles de détenu-e-s morts à la prison de Corbas prennent la parole

Le canut-infos du vendredi invite le collectif Justice et vérité pour Sofiane Mostefaoui, pour parler de toutes ces morts suspectes en détention.

http://blogs.radiocanut.org/canutinfos/2013/05/17/canut-infos-du-vendredi-17-mai-2013/

Une mobilisation est menée par sa famille suite au décès de leur frère, le 11 Mars 2013, dans la prison Corbas, présenté comme un suicide par l’administration pénitentiaire.

Avec 26 morts dans la prison de Corbas depuis son ouverture en 2009, elle est devenue la prison la plus mortelle de France.

Ils ne sont pas des morts ano­ny­mes, le silence assas­sin doit être brisé !

L’AP doit répon­dre aux pro­ches de ces per­son­nes, et la jus­tice doit faire son tra­vail sans par­tia­lité, sur ces décès de per­son­nes sous la res­pon­sa­bi­lité de l’Etat.

Pour prendre contact avec le collectif:

Contact :
Kheira MOSTEFAOUI
07 62 40 91 93

Justice et vérité pour Sofiane Mostefaoui:
www.facebook.com/JusticeEtVeritePourSofianeMostefaoui

 

Pour laisser des messages aux détenu-e-s de Corbas et Meyzieu, vous pouvez nous appeler le mercredi 29 mai, de 19h15 à 20h, au 04 78 29 26 00. Les messages seront diffusés le vendredi 31 mai de 19h à 20h.

Vous pouvez aussi écrire à l’atelier d’écriture, 91 rue Montesquieu, 69007 Lyon.

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Détenus français: nouveau record de 67.839 personnes incarcérées début mai

Un couloir de la prison d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, le 30 avril 2013

Un couloir de la prison d’Alençon-Condé-sur-Sarthe, le 30 avril 2013 (Photo Charly Triballeau. AFP)
Par AFP

Un total de 67.839 personnes étaient incarcérées début mai en France, selon des chiffres publiés vendredi par l’Administration pénitentiaire, un record, au-delà du précédent sommet de décembre 2012 (67.674 détenus).

Parmi ces détenus figuraient 16.987 prévenus (en attente de jugement) et 50.852 personnes condamnées.

La «capacité opérationnelle» des établissements pénitentiaires, c’est-à-dire leur capacité d’accueil, étant de 57.235 places, le taux d’occupation au 1er mai atteignait 118,5%, une proportion quasi stable par rapport à début avril.L’Administration pénitentiaire a également enregistré, début mai, un record du nombre de détenus mineurs, qui se montait à 771, soit 1,1% de l’ensemble des personnes incarcérées.Ce nouveau record de personnes incarcérées est enregistré sept mois après la diffusion, par la Chancellerie, d’une circulaire invitant les parquets à faire des aménagements de peine une priorité.«La diversification des orientations pénales doit être accrue», avait également indiqué le ministère de la Justice dans sa circulaire du 19 septembre 2012.

Source : http://www.liberation.fr/societe/2013/05/24/detenus-francais-nouveau-record-de-67839-personnes-incarcerees-debut-mai_905440
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Suicide d’un détenu à la prison de la Santé à Paris

Un homme détenu de la prison de la Santé à Paris s'est suicidé lundi par pendaison, a-t-on appris auprès de l'Observatoire international des prisons (OIP).
(c) Afp

 Un homme détenu de la prison de la Santé à Paris se serait suicidé lundi par pendaison, a-t-on appris auprès de l’Observatoire international des prisons (OIP).

L’homme âgé de 49 ans avait déjà fait une première « grosse tentative de suicide par phlébotomie » (en se tranchant les veines) à la prison de Villepinte (Seine-Saint-Denis), où il était emprisonné depuis janvier 2012, explique l’OIP dans un communiqué, selon qui il avait ensuite « été hospitalisé en psychiatrie près de 3 mois ».

Après son hospitalisation, il avait été transféré à la Santé, à Paris, où il suivait un traitement et était également pris en charge pour un « problème d’alcool », ajoute la même source.

Mais le détenu s’était à nouveau tranché les veines le 5 avril, pour finir par se pendre lundi.

Le taux de suicide dans les prisons françaises est deux fois supérieur à la moyenne constatée dans les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, selon un rapport publié début mai à Strasbourg par l’organisation paneuropéenne.

Il y a eu en France 95 suicides de détenus en 2010, année de référence du rapport sur ce point, soit un taux de 15,5 suicides pour 10.000 détenus, contre une moyenne de 6,7 pour l’ensemble des pays membres.

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130520.AFP3334/suicide-d-un-detenu-a-la-prison-de-la-sante-a-paris.html
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Le combat d’un détenu pour faire appliquer la loi/ contre les fouilles

Les fouilles à nu, interdites depuis 2009, sont contournées par l’administration pénitentiaire. L’Etat a été condamné plusieurs fois.

Pour avoir refusé, plusieurs fois, de se mettre à nu à la sortie d’un parloir pour une fouille dite « intégrale », Nezif Eski, 34 ans, détenu à la prison de Fresnes depuis mi-janvier puis à Fleury-Mérogis depuis le 6 mai, a écopé de sanctions disciplinaires répétées. Ce Français militant d’un groupe d’extrême gauche turc, classé terroriste par l’Union européenne, dont le dossier est en appel, a protesté par une grève de la faim de 58 jours et a décidé d’agir en justice. « Il veut voir son droit à ne pas être fouillé à nu systématiquement par les personnels de l’administration pénitentiaire à l’issue de toutes ses visites respectées. Et considère que rien ne justifie cette mesure de sécurité attentatoire à sa dignité », souligne son avocate, Me Virginie Bianchi.
Le 4 mai, la justice lui a donné raison : Nezif Eski a obtenu du tribunal administratif de Melun, également saisi en référé par l’Observatoire international des prisons (OIP), une condamnation de l’Etat. Le jugement estime que ces fouilles portent « une atteinte illégale à (sa) liberté fondamentale ». Il rappelle les exigences de l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, qui soumet cette mesure de sécurité à de strictes conditions . Et enjoint le directeur de Fresnes de suspendre la note par laquelle il maintient « un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques » à l’issue des parloirs.

Le bras de fer entre l’administration pénitentiaire (AP) et ce détenu n’est pas le premier. Depuis août 2011, via une « campagne contentieuse » contre les fouilles à nu, l’OIP a obtenu des juges la condamnation d’une douzaine d’établissements pénitentiaires en France. D’Oermingen (Bas-Rhin) à Lyon-Corbas (Rhône), la problématique est la même, explique Nicolas Ferrand, responsable juridique de l’association : « L’AP contourne la loi de 2009 en édictant des notes par lesquelles le directeur autorise ces fouilles pour trois mois et qui se renouvellent automatiquement. Leur succession revient donc à maintenir cette pratique humiliante en permanence », déplore-t-il, soulignant en outre « que l’AP ne respecte pas les décisions de justice ».

Ce sont ces notes, que l’AP justifie par les saisies d’objets illégaux, que les juges condamnent. Le tribunal administratif de Melun, saisi trois fois depuis juillet 2012, a trois fois enjoint le directeur de Fresnes de les suspendre… Fresnes, où la dernière condamnation suscite la colère du syndicat FO-Pénitentiaire : il menace d’une manifestation et réclame l’abrogation de l’article 57.

« La mise en œuvre des dispositions relatives aux fouilles représente un sujet de crispation majeur avec les personnels de surveillance », soulignait, en 2012, un rapport sénatorial sur la loi de 2009, excluant cependant tout « retour en arrière » du législateur. Après l’évasion de Redoine Faïd il y a un mois, le sénateur Jean-René Lecerf avait redéfendu « l’exigence que les fouilles intégrales soient justifiées ». Et plaidé, comme les syndicats, pour l’installation de scanners corporels dans les prisons. Un dispositif coûteux, dont seule la maison centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) est dotée. En attendant que « la réflexion en cours », engagée par l’AP, aboutisse, Nezif Eski et l’OIP « récidivent » : un nouveau référé contre les fouilles à nu pratiquées à Fleury-Mérogis a été déposé hier devant le tribunal administratif de Versailles.

 
Source : Le parisien.fr en date du 17.05.2013
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Fouille intégrale à la sorties des parloirs : une pratique interdite… mais courante

C’est une pratique interdite,qui reste pourtant appliquée dans les prisons : la fouille intégrale des détenus à la sortie des parloirs.

 L’un d’eux, un homme de 34 ans condamné à 3 ans ferme, a décidé de s’y opposer.

Et bien mal lui en a pris.

Depuis 2009, avec la loi pénitentiaire, les fouilles intégrales ne doivent être qu’exceptionnelles. Fini le systématisme. Une pratique jugée humiliante à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Malgré cela, bon nombre d’établissements pénitentiaires continuent d’appliquer les fouilles intégrales, s’appuyant sur des notes internes.

Nezif Eski, détenu d’abord à Fresnes, dans le Val-de-Marne, en a eu assez d’être soumis à cette pratique plusieurs fois par mois, après chaque parloir. Le jeune a alors résisté, raconte son avocate Virginie Bianchi, qui connait bien l’administration pénitentiaire : elle était avant sous-directrice de la centrale de Clairvaux, dans l’Aube :

Ce garçon, après chaque parloir avec un membre de sa famille, a été fouillé. Fouillé systématiquement. Fouillé à nu. Comme c’est un garçon qui connaît ses droits, il sait très bien que l’article 57 de la loi pénitentiaire ne permet pas la fouille systématique, à quelque occasion que ce soit. Il l’a manifesté auprès de l’administration, en indiquant qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui pratiquait, qu’il trouvait ça injuste. C’est la raison pour laquelle, la première fois où il a refusé, on l’a déshabillé de force et il a été poursuivi devant la commission de discipline et condamné. C’est dans le cadre de cette procédure qu’il a été demander la note directoriale fondant la poursuite disciplinaire. Cette note a été déferrée devant le Tribunal administratif de Melun, qui l’a déclarée illégale.

 – Les fouilles ont donc cessé ? Pas du tout ! Cette interdiction est restée lettre morte. Le jeune homme s’est quand même vu transféré de Fresnes à Fleury-Mérogis, dans l’Essonne, où les fouilles ont continué.

Virginie Bianchi, son avocate, va alors découvrir qu’il n’est pas le seul ; que ce n’est pas une mesure individuelle :  J’apprends à ce moment-là que l’ensemble des détenus, c’est-à-dire les 3.000 et quelques détenus de Fleury-Mérogis, subissent le même sort. Que l’on soit là pour 6 mois pour un vol de pommes, ou que l’on soit là pour avoir assassiné quelqu’un, le régime de fouilles systématiques intégrales à l’issue des parloirs est précisément le même. Cela semble quand même hallucinant qu’on l’applique à tout le monde ! On peut comprendre effectivement que pour certaines personnes, parce qu’il y a des suspicions d’évasion avérées, pas des rumeurs, l’administration s’en préoccupe. Je pense que c’est une vieille prérogative de l’administration pénitentiaire et que c’est lié, surtout dans les grandes maisons d’arrêt comme celles de la région parisienne, au fait qu’il est extrêmement difficile de connaître les détenus. Bien évidemment, il n’y a pas de connaissance de la potentialité de dangerosité de chacun. Du coup, on s’aligne sur ce que l’on imagine être le plus dangereux et l’on applique les mesures de sécurité les plus draconiennes à tout le monde.

Des mesures draconiennes régulièrement sanctionnées depuis plus d’an. L’Observatoire international des prisons a obtenu la condamnation de plus d’une dizaine d’établissements. Aujourd’hui, c’est le tribunal de Versailles qui se penchera sur le cas de Nezif Eski. Fleury-Mérogis pourrait bien rejoindre cette liste de l’OIP.

Par Nathalie Hernandez
A écouter au lien suivant
http://www.franceinter.fr/emission-dans-le-pretoire-fouille-integrale-a-la-sorties-des-parloirs-une-pratique-interdite-mais-co
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Abdelkader Azzimani, témoignage d’un condamné à tort

Abdelkader Azzimani, mercredi devant la Cour de révision.

Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri sont des « miraculés » de la machine judiciaire française, selon les termes de leurs avocats. Les deux Marocains, condamnés en 2003 à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre sauvage d’un petit dealer de drogue à Lunel dans l’Hérault – une condamnation confirmée en appel un an plus tard –, ont passé respectivement onze et treize ans derrière les barreaux. Pourtant, il y a quelques mois, les deux véritables auteurs du meurtre ont été confondus par des traces d’ADN et sont passés aux aveux, disculpant Azzimani et El-Jabri. Ces « faits nouveaux » ont conduit, mercredi 15 mai, la Cour de révision de Paris, seule habilitée à annuler cette condamnation, à casser la décision de la cour d’assises des Pyrénées-Orientales. Une décision extrêmement rare qui débouchera dans les prochains mois à un nouveau procès. Abdelkader Azzimani livre ses impressions au Monde.

Lire : La justice annule deux condamnations pour meurtre

Que représente cette décision pour vous ?

Je suis encore étourdi par l’annonce, qui a été très rapide. Mais c’était les deux minutes les plus importantes de ma vie. J’étais très excité et je n’avais pas dormi de la nuit, mais ça y est : c’est la fin d’un cauchemar qui a duré quinze ans. C’est surtout une victoire sur la justice qui nous a condamnés à tort, une victoire aussi pour ma famille qui a été condamnée avec moi, car j’ai vécu ce cauchemar dedans, mais eux l’ont vécu dehors. Tant que ce n’était pas officiel, il y avait toujours ce poids qui vous ronge.

Comment avez-vous vécu ces années de combat judiciaire ?

Le plus dur pendant les onze années que j’ai passé en prison, a été de ne pas pouvoir élever ma fille. Quand j’ai été incarcéré, elle avait cinq mois, et à ma sortie elle était déjà au collège. Pendant tout ce temps, elle venait me voir au parloir et me disait : « A l’école on me dit que mon père est un assassin. » C’était terrible. Si je me suis toujours battu c’était pour laver mon honneur et celui de ma famille, qui a été sali. Mais ce n’est pas facile de lutter contre des erreurs judiciaires. J’ai failli me suicider plusieurs fois…

Comment appréhendez-vous l’avenir ?

Pour l’instant je ne sais pas. Je vais essayer de retrouver du travail, mais ce combat a beaucoup fragilisé ma santé. J’ai été victime d’une crise cardiaque il y a quelques semaines pendant mon sommeil. Et il y a encore un procès à venir, dans quelques mois, où nous comparaîtrons « présumés innocents ». Cette fois, ça devrait être une formalité vu les preuves que la justice possède. Mais on ne sait jamais, on a connu tellement de désillusions…

Shahzad Abdul
 
source : LE MONDE | 15.05.2013
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Extraits de lettres de Christine ( La Talaudière, Corbas, Joux-La-Ville et Bapaume )

Combats et répression en détention

Début novembre 2012, suite à une altercation avec les matons en allant visiter son compagnon au parloir à la taule de Corbas, Christine a été emmenée en garde à vue. Puis, en attendant un procès qui a eu lieu le 13 février., elle a été placée en détention à la Maison d’arrêt de La Talaudière à Saint-Etienne. Elle reste incarcérée depuis, et purge la somme de différentes peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, administration pénitentiaire, institution psychiatrique,…).
Christine est bergère. Elle a notamment eu des soucis avec les institutions répressives lors de sa participation à des luttes contre la loppsi 2, contre le puçage des moutons.
Vous trouverez plus d’infos par exemple ici

Depuis son incarcération, Christine a eu de multiples embrouilles en détention. Elle a été placée au mitard (QD ou Quartier Disciplinaire) et au QI (Quartier d’isolement). Elle a été transférée de La Talaudière à Corbas (Lyon) puis à Joux-La-Ville. Aux dernières nouvelles, elle est maintenant à Bapaume, vers Lille (alors que ses proches sont dans le sud !) L’accumulation d’altercations en détention risque d’alourdir sa peine, voire de la mener à nouveau devant les tribunaux.
Dans différentes lettres qu’elle a pu faire sortir de prison, elle raconte ses combats en détention et la répression féroce. Elle souhaite que ces lettres (que nous avons récupéré un peu tardivement) soient diffusées auprès des groupes qui se préoccupent de ce qui se passe en prison, et publiquement. Nous vous en proposons ci-dessous de larges extraits.
Christine se bat et revendique au quotidien. Elle crie qu’elle refuse l’enfermement. Et se bat pour que, au minimum, ses droits soient respectés. Elle a entamé de nombreux recours administratifs et plaintes. Son avocat est Guy Nagel (Lyon), elle est en contact avec l’OIP (Obseravtoire International des Prisons).

Il est possible de lui écrire à la prison de Bapaume, et tout soutien sera certainement le bienvenu !
(christine Ribailly – Centre de détention – Chemin des Anzacs – 62451 Bapaume Cedex)

Extraits de lettres de christine :

Jeudi 31 janvier, QD de Corbas.

Ne reculant devant aucun défi pour vous fournir des infos fraîches et diverses, votre envoyée spéciale au pénitencier est maintenant au mitard à Corbas.
Je suis passée au prétoire (à la Talaudière) et j’ai pris quinze jours (de mitard) ferme et 8 jours avec sursis. Je ne croyais pas que six mois allaient s’écouler sans que ça me tombe dessus, même si l’idée était séduisante. J’ai donc appris que je serai transférée ce lundi 28 [ndlr : il n’y a pas de mitard au quartier femmes de la talaud].
(…) Dimanche 27 janvier, à la promenade, je me suis engueulée avec une fille pour la deuxième fois. Cette fois on a échangé des coups (J’en ai pris plus car elles étaient à 2 contre moi). Bien sûr c’est moi que les bleus ont remonté en cellule, menottée dans le dos. Après m’être calmée, j’ai demandé à téléphoner, comme j’y ai droit. En fait, la surveillante ne voulait pas m’ouvrir sans un surnombre de matons comme ils me le font souvent, malgré l’accord du 15 novembre avec la direction. (…) L’auxi peut témoigner que j’étais calme. Mais les matons m’ont foutue au sol le temps de mettre en cellule le repas dans une barquette en plastique. J’ai dit : « Je veux juste téléphoner, j’y ai droit, de quoi avez-vous peur ? Je ne me débats même pas ». Mais ils m’ont refoutue en cellule et je n’ai pas pu bloquer la porte. J’étais furax et j’ai glissé du papier journal sous la porte pour l’enflammer, comme je l’ai souvent pratiqué.(…) Ils ont ouvert la porte, l’un d’eux avait un extincteur. Il ne s’est pas contenté d’asperger la porte mais m’a délibérément aspergée. J’étais en train de respirer à la fenêtre. Je suis allée vers eux en gueulant : « Tu t’amuses bien ? » Ils ont essayé de la refermer mais je l’ai bloquée avec le genou. Ils se sont alors énervé et m’ont foutu au sol, dans la neige carbonique. Ils m’ont menottée dans le dos en me faisant vraiment mal à l’épaule et en serrant très fort. Depuis leurs cellules des filles criaient : « Salauds ! Lâchez la !On t’a entendu dire que tu allais lui casser le bras ! » Il m’a demandé de dire aux filles de se calmer mais j’ai refusé, demandant juste à ce qu’il lâche l’épaule. Je suis restée au sol sous ce mec le temps qu’ils vident entièrement la cellule (fringues, bouquins, poubelle, table…) puis ils m’y ont refoutue en laissant un doliprane sur l’évier. La cellule était trempée et noire de papiers brûlés, moi j’étais trempée et mal en point. (…)
A 7h du matin, (quand ils ont ouvert), je suis allée vers la cabine. Mais ils m’ont dit que je téléphonerai après la douche. J’ai accepté car j’en avais vraiment besoin. Quand je suis [retournée dans la cellule], ils en ont profité pour claquer la porte. (…) J’ai gueulé « Vous aviez dit que je téléphonerai après ! » et ils ont répondu « Ben ouais, après, tu téléphoneras après… Aller, bon QD ! » Et un de ces s… rigolait en disant : « Ben quoi, tu chiales Ribailly ? », alors que je répétais, à bout de nerfs : « T’avais dit ! ».
Entre 7 et 9h, toutes les filles qui sont passées ont vu mon bordel dans le couloir et la crasse sous la porte. Beaucoup ont été choquées et m’ont gueulé quelques mots de solidarité. J’ai aussi eu un yoyo de mon propre tabac qu’elles ont pris dans ma veste, sur le tas de mes affaires. (…)
[ndlr : Puis Christine a été transférée vers Corbas]
Hier j’ai vu le toubib dans le cadre de l’accueil arrivante au mitard. Elle m’a fait un certificat médical avec 3 jours d’ITT. J’aimerais déposer plainte pour abus de pouvoir et violences. Pensez-vous que c’est possible ? Voulez-vous m’y aider ?
Bon, après ça j’étais remontée à bloc pour faire face au mitard. Ils ont du le comprendre car ils ont eu une toute autre position qu’il y a deux ans. Au greffe, ils se sont contenté d’un « Non ! » quand ils m’ont demandé la biométrie. J’ai pu avoir mon tabac à la porte de la cellule. J’ai vite eu des bouquins et de quoi écrire. Grâce à la réforme, j’ai même une petite radio. (…) Du coup, libérée de la peur qu’ils me psychiatrisent, je vis bien mieux le mitard que je ne le craignais. (…) J’écris beaucoup (vous voyez), je fais des séries de pompes et abdos. Je dors bien. (…)
Qu’est-ce que vous ne savez pas sur le QD de la MAF (Maison d’arrêt pour femmes) ? Il y a trois cellules, 2 cours goudronnées de 6x8m cernées de murs ou grilles de 3 ou 4 mètres de haut, et au plafond tellement tapissé de barreaux, grillage serré et rouleaux de barbelés que j’imagine que la neige ne passe pas (En tous cas le soleil, c’est sûr, n’atteint jamais le sol). (…)

Mardi 5 février, QD de Corbas.

(…) Tout ce que je vous raconte est fait pour être diffusé. (…)
Ici j’ai découvert une cellule encore plus flippante que le mitard. Voilà ce qui s’est passé. Avec le lieutenant, toute la semaine, ça s’était pas mal passé. Mais l’équipe de ce week-end a voulu changer la donne. (…) Dimanche, ça a été encore plus tendu : ils m’ont mis à la promenade dès 8 heures du matin, alors qu’il faisait encore presque nuit. Puis ils m’ont refusé la douche alors qu’ils me l’avaient proposée le matin. A midi, ils n’ont pas ouvert la grille pour me passer la gamelle. Alors le soir, quand j’ai vu qu’ils n’ouvriraient pas plus, je leur ai dit : « Si, vous allez ouvrir ! » et j’ai enflammé une feuille de papier journal. Ils ont refermé la porte en laissant la gamelle dans le sas, hors accès. (…) Puis est venu un lieutenant pour calmer le jeu. Je lui ai expliqué que je refusais d’être servie comme un clebs au chenil et que je lui donnerai le briquet en échange du repas quand il aurait ouvert la grille. (…) Il m’a dit que je grillais mes chances d’avoir le parloir interne que je réclamais, alors que la direction avait émis un avis favorable. Je me doutais bien qu’il mentait, mais je ne voulais pas prendre de risque, alors je lui ai donné le briquet. Il est parti aussitôt, sans ouvrir le sas, et sans même me donner la gamelle. Dix minutes après, ils étaient 6, avec casques et boucliers, pour me menotter. Cassée en deux, ils m’ont menée à travers toute la MA. Je n’ai pas bien compris où on allait mais on a repris le souterrain. Ils m’ont accroupie au fond d’un cellule pour me démenotter après m’avoir pris lunettes et baskets. J’ai demandé où on était et ils m’ont dit « aux arrivants ». Mais la cellule n’avait rien d’une cellule d’arrivants. Je sentais la patte de l’architecte pervers de la chambre de l’UHSA [la prison hôpital]. Lit, table, tabouret, tout était en béton. La télé était protégée par un plexiglass, tout comme la fenêtre, impossible d’accès. Il n’y avait pas de draps, juste deux couvertures en tissu. Même la télécommande était incrustée dans le mur (et ne marchait pas). Une grande surface était prise par la douche et le chiotte. L’évier en alu comme au mitard, sauf qu’il n’y avait pas de robinet, juste un jet d’eau pour boire. Tout était super propre, lisse. J’ai vu un petit sac sur la table : il y avait une affichette. « Vous êtes en souffrance. Il est nécessaire de vous aider. Ce kit fait partie du protocole d’aide. Le pyjama est aéré pour un plus grand confort. En cas de détresse, faites appel au surveillant, votre premier interlocuteur ». Et un pyjama bleu, comme en HP. J’ai eu peur, j’ai pensé qu’ils m’avaient hospitalisée au SMPR, que j’étais en HO (hospitalisation d’office) sans avoir vu de toubib. J’ai appelé mais personne n’a répondu. Une demi heure plus tard, comme j’avais bouché le judas avec l’affichette, ils ont cogné à la porte, joué avec la lumière et appelé à l’interphone. J’ai décidé de ne pas répondre, comme eux. (…) Ils ne voulaient pas rentrer, juste mater. (…)
A 9h le lendemain, j’avais faim et envie de fumer. J’ai fureté dans la cellule pour faire quelque chose. On ne pouvait rien casser, pas appeler. La fenêtre donnait sur une cour intérieure, un toit en fait, où jamais un humain n’est allé. Tout était arrondi, lisse, aseptisé, c’était franchement flippant. Au plafond il y avait une demi-sphère en alu poli pour faire miroir depuis le judas et ne laisser aucun espace sans vue (même collé à la porte). C’était vraiment de l’incitation au suicide, par sa volonté affichée de le rendre impossible. La frustration, même pour moi qui ne veux pas crever, était à son comble. (…) Enfin vers 11h, j’ai entendu une surveillante me dire que j’allais voir un médecin. J’ai pris une grande inspiration et accepté. Ils étaient au moins douze dans le couloir !L’entretien a été assez court quand elles ont compris que j’étais en colère et pas suicidaire. Elles m’ont dit le sigle de la cellule, mais je ne m’en souviens plus, il y avait un P comme « protection » et elle est effectivement au quartier arrivant. [Puis Christine a été ramenée au QD]
J’imagine le pauvre gars, tout juste sorti de garde à vue et enfermé dans cette cellule d’incitation au suicide lors de sa première arrivée à la rate. La façon la plus ignoble de lutter contre la surpopulation ! Elles sont belles, les règles européennes. (…)

Dimanche 10 février, QD de Corbas.

Demain je dois retourner à la Talaud. (…)
Excédée par le refus de parloir interne [ndlr : avec son compagnon, incarcéré aussi à Corbas], j’ai essayé encore de revendiquer vendredi. Sanction immédiate : plus de lumière et plus d’allume-cigare (bien sûr, pas de briquet en cellule). (…) Voici la lettre que j’ai écrite à la direction :

« Quand on se targue d’apprendre aux autres à respecter la loi, il faut d’abord, par cohérence, à défaut d’honnêteté, la respecter soi-même. Or :
- J’ai été quinze jours au QD, trois lundis, et vous ne m’avez permis qu’un seul parloir.
- J’ai signalé dès l’arrivée au médecin que j’avais une ordonnance pour de la kiné hebdomadaire et il n’y a eu aucun suivi
- Je n’ai pas pu m’alimenter du dimanche 3 à midi au lundi 4 à midi (deux repas refusés).
- Malgré ma demande du 30 janvier, mon avocat n’a pas obtenu son permis de communiquer
- J’ai été jugée en mon absence le 5 à Aix en Provence, sans que soit organisée d’extraction ou de visioconférence.
- Je n’ai pu ni lire ni écrire ni fumer du vendredi 8 à midi au samedi 9 à 8h.
- L’évier de la cellule du QD est bouché.
- La télévision de la cellule d’incitation au suicide ne marche pas. Le flotteur des toilettes est coincé.
- La première semaine, je n’ai vu qu’une fois le médecin.
- Vous avez laissé nombre de mes courriers sans réponse et les gradés ont parfois refusé de répondre à mes questions.
- La cage de promenade est cernée de murs si hauts et fermée par un grillage si serré que ni la neige ni le soleil ne l’atteignent. Où est l’heure de promenade obligatoire « à l’air libre » ?
- Le courrier interne m’a toujours été remis en retard, ou pas remis du tout.
(…) Je continuerai à exiger le respect des lois (à défaut du respect humain qui vous est inaccessible). »

Dimanche 17 février, QD de Joux-La-Ville.

Je continue mon tourisme pénitentiaire. Je suis maintenant en CD, près d’Auxerre.
(…) (A mon arrivée) j’ai accepté la fouille à corps et répondu au topo du chef : « Si vous vous tenez bien, ça se passera bien » par « Si vous me touchez pas, je me tiendrai bien ». Ils n’ont pas insisté pour les empreintes et ont fait une photo tête baissée et yeux fermés pour la carte de circulation. Puis je suis allée au mitard. (…) Il fait super froid en cellule et ma voisine, une jeunette toute maigre, en chie beaucoup. Depuis trois jours on réclame qu’ils viennent prendre la température, mais ils ne font rien. (…) Je me souviens avoir lu qu’un mitard avait été fermé après qu’un huissier ait relevé 14°C. Je suis sûre qu’il ne fait pas plus ici.(…)
Il y a deux mois, deux filles ont pris en otage une surveillante. Après 30jours de mitard bien agités et une comparution immédiate (18 mois pour l’une, deux ans pour l’autre), elles ont eu le droit à un transfert disciplinaire, mais je ne sais pas où.

[Christine raconte ensuite comment elle a réclamé à maintes reprises que la température des cellules soit vérifié, qu’elle était entre 13 et 16°C alors que le médecin lui a dit que c’était entre 19 et 21°C pour une pièce d’habitation normale. Rien n’a changé, alors elle a revendiqué plus intensément -notamment en mettant le feu à sa cellule – et fait face à une répression sévère. Elle est alors placée au quartier d’isolement]

Le chef du quartier femmes, Dinan, m’a dit que le toubib avait eu un appel de l’OIP (ndlr : au sujet du chauffage en cellule) mais qu’il avait botté en touche. La technique, c’est pas lui, c’est Sodexo. Ce à quoi j’ai répondu. « Non, le respect de la loi, c’est vous. A vous de mettre la pression sur Sodexo ». Et là, pompon : « On le fait. Ils nous payent des amendes quand ils ne répondent pas à nos demandes ». En gros, merci les taulards de vous battre, vous enrichissez l’AP, et Sodexo l’a cool. Vive les Esquimaux !

[Christine a ensuite mené d’autres combats et eu d’autres altercations avec les surveillants, démarrant systématiquement sur des refus de réponses à ses demandes, ou quand elle réclame que ses droits soient appliqués sur des questions du quotidien. Certaines altercations dégénèrent et se finissent par des rapport d’incidents et passages au prétoire. Elle raconte aussi qu’elle est accusée d’avoir mordu un surveillant, ce qu’elle nie. Elle est passée pour cela au prétoire sans avoir pu être assistée d’un avocat, donc elle a refusé de comparaître, une nouvelle altercation avec les surveillants s’en est suivie, une sanction à trente jours de mitard a été prononcée en son absence, et elle risque un passage au tribunal correctionnel pour cette histoire. Elle raconte comment ses combats lui permettent parfois d’obtenir gain de cause et un apaisement de la situation, mais comment la répression, physique mais surtout psychique, la pousse parfois à bout. Elle raconte notamment que, en représailles, sa cellule a été plusieurs fois vidée de toutes ses affaires. Ou comment elle a craint d’être hospitalisée d’office pour la mater. Pour exemple, voilà sa retranscription d’un échange avec Monsieur Bacher, chef de détention :]

- Je veux mes affaires !
- Tu ne les auras pas et si t’es pas contente, t’as qu’à écrire à l’OIP.
- Et comment je leur écris sans stylo ?!
- Fais pas chier ! T’as mordu un collègue, t’es entre quatre murs et c’est bien fait pour ta petite gueule !
- De toutes façons, j’y suis entre quatre murs, que ce soit ici, en face, ou même en secteur ouvert !
- Et on va t’y faire triquarde si on veut. Tu vas apprendre que c’est pas toi qui décide. En 25 ans de pénitentiaire, j’en ai maté plus d’une, de petite conne comme toi ! (…)

Mardi 9 avril, Bapaume, quartier arrivants

Ce matin à 8h j’ai eu droit au transfert. Il y avait les ERIS, aussi nombreux et équipés que le 15 février. Mais cette fois j’ai eu le droit à un fourgon cellulaire. J’ai donc refusé d’entrer dans la cage avec les menottes (devant) et les entraves, mais je n’ai rien pu faire. L’arrivée ici a été un peu plus calme. Bizarrement, je ne suis ni au QI ni au QD. (…) J’ai déjà rencontré la nana qui a pris une matonne de Joux en otage il y a deux mois. Je vais pouvoir aller en sport et en promenade collective. Je vais commencer par fêter ça avec une sieste et un coca devant la télé, quel confort ! Je vous tiens au jus de l’évolution, à bientôt.

Christine.

 

Source : http://lenumerozero.lautre.net/article2566.html
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